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Date de création : 05.06.2014
Dernière mise à jour : 07.11.2014
161 articles


15. Tony

Publié le 12/10/2014 à 03:39 par severinegriebaum Tags : enfants moi monde homme chez roman amis société femme voiture

 

Tony.

 

 

 

Antoine Kervinec était de mauvaise humeur. Contrairement à son habitude, il ne se demandait pas vers quel genre d’intervention il se dirigeait. Un forcené se prétendant armé dans le métro. C’était tout ce qu’il savait. Il avait pris le volant de la 406 verte et était sorti en trombe du garage du commissariat, gyrophare plaqué sur le toit, toutes sirènes hurlantes, après avoir refusé d’embarquer deux collègues et sans même vérifier si la voie était libre. Normalement quand Jean-Marc ne participait pas à l’intervention, son coéquipier était Bob, surnommé Terminator, à cause de son look : veste en cuir, lunettes noires, cheveux en brosse, fusil à pompe… Bob, autrement dit l’inspecteur principal Robert Guenhec. Mais Tony ne supportait personne ce soir. Et il n’avait certainement pas envie d’entendre les plaisanteries vaseuses de Bob. Ce gars était supportable à condition d’y aller à petites doses. Tony avait besoin d’être seul. Il n’en pouvait plus. Il étouffait dans l’ambiance glauque de ce commissariat où il travaillait depuis tant d’années et qui pourtant le dégoûtait de plus en plus du métier de policier. Il en avait trop gros sur le cœur.

 

Hé oui, il avait un cœur et une conscience, lui,  l’arme fatale.  Et il ne supportait pas que l’on s’en prenne aux enfants. Comme Schuller, il avait eu une enfance malheureuse, mais contrairement à son collègue, il ne voyait pas le mal partout. Et surtout, il n’estimait pas qu’un enfant fût perdu pour la société simplement parce qu’il avait eu le malheur de naître dans un certain milieu…

 

Schuller n’avait plus les aptitudes pour être flic. Il n’avait plus le recul ni l’objectivité nécessaire pour continuer à faire son boulot de manière impartiale. Et le malheur voulait que, pourtant, tout le monde, depuis sa hiérarchie jusqu’aux magistrats, en passant par les services sociaux, avait confiance en Schuller car il avait fait de hautes études et effectué de nombreuses formations dans le domaine de l’enfance, du secteur social et des abus sexuels. Même Yves qui ne l’aimait pas et qui commençait à réaliser que son subordonné avait un problème depuis ce qui s’était passé il y a deux ans, ne parvenait toujours pas à se persuader qu’il était urgent d’écarter Martin de son service avant qu’il ne soit trop tard. Avant qu’un drame ne se produise. Tony avait envie de dire  avant qu’un nouveau drame ne se produise...

 

Il faut dire qu’Yves était peut-être une référence en matière de police judiciaire, mais il n’acceptait pas des conseils de grand-monde. Tout juste acceptait-il d’entendre ses amis comme Richard, Max Gimenez surtout, en qui il avait une confiance aveugle, et Jean-Marc parce qu’il était le frère de son ami Jean-Philippe avec qui il était entré à la police. Il les entendait, les écoutait, mais ne suivait pas toujours leurs conseils.

 

Il aurait fallu faire comprendre à Gimenez ce qui se passait ; mais voilà… entre Max et Tony, c’était loin d’être l’amour fou ! Comment aurait-ce pu l’être d’ailleurs ? Max était d’une honnêteté et d’une intégrité irréprochable. Jamais il n’aurait fait un pas de travers. Il avait pleine conscience de sa fonction de policier et des responsabilités que cela impliquait. Comment aurait-il pu s’entendre avec lui qui accumulait les conneries et les bavures ? Encore que Tony accumulait les bavures, mais était néanmoins honnête. Il n’aurait pas pu accepter d’être corrompu, pas même pour échapper à ses responsabilités. Il y avait des limites tout de même…

 

Schuller lui n’était pas honnête. Pas même envers lui-même. Surtout pas envers lui-même ! Outre le fait qu’il soit en train de perdre les pédales à cause de son enfance, il se servait de ses fonctions pour protéger ses beaux-frères (les frères de sa femme), en particulier les deux cadets, des jumeaux qui s’adonnaient au trafic de drogue dans la Cité Kerfontaint. De plus, Tony le soupçonnait fortement d’également se servir de ses fonctions pour dicter sa propre loi au sein de la Cité Kerfontaint, mais aussi pour  régler ses comptes  avec des gens qu’il n’aimait pas ou à qui il estimait avoir des choses à reprocher.

 

Tout en négociant son virage, Tony secoua la tête. Ce n’était pas une manière d’agir pour un flic. Même si lui faisait également des conneries, jamais il n’aurait utilisé ses fonctions pour faire le mal. Non. Lui c’était autre chose. Il y avait en lui une violence latente qu’il n’arrivait pas à canaliser, et qui parfois (souvent ?) ressortait au moment où l’on s’y attendait le moins. Il devait se rendre à l’évidence : il était un flic violent. Il était un homme violent. Quand une situation l’agaçait, il s’efforçait de conserver son calme le plus longtemps possible, mais il finissait toujours par péter les plombs. Et cela se terminait parfois très mal. Mais jamais au grand jamais, il n’avait été malhonnête. Il n’était pas un ripou. Il n’était pas corrompu. Il n’aurait jamais l’accepté de l’être. Jamais il n’avait menti. Jamais il ne s’était servi de ses fonctions pour enfoncer quelqu’un ou se protéger.

 

Arrivant sur les lieux de l’intervention, Tony ne prit pas la peine de répondre à la radio qui crachotait. Il laissait ce soin à ses collègues qui l’avaient rejoint en voitures de patrouille. Il sortit de la voiture en coup de vent et descendit les escalators du métro quatre à quatre, ignorant le signe impatient de Bob qui sortait d’une des voitures.

 

L’annonce de l’intervention portait sur un type qui avait jeté un attaché-case sur les rails du métro en hurlant qu’il contenait une bombe et que lui-même était porteur d’une arme et de plusieurs grenades. Le métro avait du stopper à l’entrée de la station. L’électricité avait été coupée et ceux des voyageurs qui se trouvaient du bon côté avaient étés évacués. Les autres paniquaient visiblement, difficilement contenus par des stewards, des agents de la sécurité du métro et quelques policiers.

 

L’un d’entre eux, apercevant son brassard  police  eut l’air soulagé, comme si Tony était le Messie qui allait tout arranger.

 

D’un coup d’œil, ce dernier embrassa la situation. L’arme de ce type n’était pas chargée, et si ça se trouvait, elle était fausse… Il était pratiquement certain également qu’il n’y avait ni bombe, ni grenade… C’était du bluff, il en était sûr. Ce gars là était désespéré et lançait un appel au secours…

 

-Mais qu’est ce que tu fous à la fin ? Lança Bob en colère, arrivant derrière lui comme une furie, suivi de près par toutes les patrouilles du commissariat. L’affaire était grave.

 

- Fous-moi la paix Bob ! Casse-toi ! Hurla-t-il en repoussant violemment son collègue et en se dirigeant vers le forcené. Alors quoi ? C’est quoi ton problème mec ?

 

-Ne vous approchez pas ou je tire ! Répondit l’homme en hésitant.

 

-Tu tires ? Et bien vas-y ! Te gêne surtout pas ! Abat un flic ! Tire dans le tas ! Fais exploser la station… Allez ! Qu’est ce que t’attends ? Tu veux un coup de main ? Allez viens on s’y met à deux…

 

-Mais vous êtes malade… Émit l’homme assez piteusement. Vous…

 

-J’en ai marre oui ! Je suis censé avoir fini mon service. Je suis fatigué ! Et tous ces gens ont terminé leur boulot et aimeraient bien rentrer chez eux. Alors tu vas faire chier encore longtemps ? C’est quoi ton problème ? Tu es viré de la SNTK et tu veux te venger ?

 

-Co… Comment vous savez ? Balbutia l’homme effaré.

 

Sans répondre, profitant de la distraction du forcené, au mépris du danger Tony plongea sur lui et le désarma. Bob et les collègues qui s’attendaient un peu à une réaction de ce genre, se tenaient prêts à tout et immobilisèrent l’homme aussitôt.

 

Pendant que les policiers emmenèrent le forcené menotté dans la voiture, Bob laissa éclater sa colère contre son collègue.

 

-Non mais t’es pas un peu cinglé ? Tu crois pas que tu pousses le bouchon un peu loin ? T’es déjà complètement barge d’habitude mais là tu bats tous les records ! Est-ce que tu te rends compte des risques que tu as pris et que tu as fait courir à tout le monde ?

 

-Rien à battre Bob !

 

-Pauv’con ! Va régler tes comptes avec Leo une fois pour toutes. Assume tes conneries, et arrête de foutre la merde partout !

 

Tony devint blême.

 

- Mes conneries ? Tu as bien dit mes conneries ? Répète ça pour voir espèce d’enflure ! Se mit à hurler Tony en empoignant son collègue et en le plaquant contre le mur. Mes conneries ?

 

-Oh là tous les deux, ça va aller oui ? Non mais je rêve ! Rugit Christian. On ne peut pas vous laisser seuls deux secondes ? Bob tu n’arrêtes pas de provoquer la merde et toi Tony tu exploses à tout bout de champ ! Ça mène à quoi tout ça ? Allez, c’est fini, on rentre ! Christian parvint à ce que Tony lâche Bob.

 

-Moi je fous la merde ? Rétorqua Bob. Non mais tu plaisantes ou quoi ? Tu penses que je vais continuer à me laisser bousculer par ce taré parce qu’il a des états d’âme ?

 

-Le taré va te démonter la gueule… Commença Tony.

 

-STOP !!! Hurla Christian. Je vous signale que tout le monde nous regarde !

 

-M’en fous ! Rétorqua Tony, mais il monta néanmoins dans la 406 et démarra en trombe. Seul, comme à son arrivée.

 

Bob et Christian se regardèrent, le premier en colère, le second un peu désemparé.

 

-Quand on est allés arrêter le petit Magouero, Leona Corbellec se trouvait devant l’immeuble de sa grand-mère… Fit Bob en haussant les épaules.

 

-Ah. D’accord. Je vois. Répondit Christian.

 

 

 

 

 

 

 

14. Les réflexions de Martin Schuller

Publié le 12/10/2014 à 03:37 par severinegriebaum Tags : heureux bonne roman enfants

 

Les réflexions de Martin Schuller.

 

 

 

 

 

Après le départ de Vonnick, Schuller ouvrit sa fenêtre et se rafraîchit le visage.

 

Ouf ! La grosse truie était enfin partie et cessait de couiner à ses oreilles qu’il fallait essayer de comprendre son précieux rejeton, qu’il avait peut être dit cela et avoué avoir enfoncé le crayon dans le simple but que l’on s’intéresse davantage à lui, que la psy lui avait d’ailleurs confirmé au téléphone que son fils était parfaitement capable d’affabuler car il avait besoin que l’on s’intéresse à lui, qu’on l’encadre, etc.…

 

Schuller savait pertinemment bien que ce gamin était complètement mytho, puisque la psy lui avait expliqué la même chose l’après midi même ! Au début il pensait le garçon coupable. Il était sincère quand il l’avait accusé de mentir, de charger le petit pour se défendre. Il se rendait bien compte que, perturbé par sa propre enfance il avait tendance à juger trop vite et à plonger sur toute accusation de viol. Il se rendait compte qu’il n’était pas vraiment objectif et qu’il aurait eu besoin de prendre un peu de recul, voir de suivre une thérapie ou même de demander sa mutation dans un autre service. Un service qui ne se serait pas occupé de faits de mœurs au quotidien. Mais il ne pouvait s’y résoudre. Il prenait cela comme un échec face à son vécu, comme une humiliation supplémentaire que lui aurait fait subir son père. Il savait bien maintenant, que les aveux de Kilian, affirmant avoir lui-même introduit le crayon étaient faux puisque Meghann avait fini par avouer devant la caméra du service que le coupable était son frère Tugdual. Le frère de la gamine avait par la suite également avoué à son tour qu’il s’agissait bien de lui en affirmant avoir agi à l’instigation de Kilian.

 

- Probablement pour ne pas être puni en rejetant la faute sur le grand ! Classique ! Songea le commissaire.

 

Ensuite les deux enfants avaient avoué, toujours devant la caméra, avoir continué à accuser Kilian à l’instigation de leur mère, ce que cette dernière ignorait. Cette dernière avait peur que ses enfants se retrouvent placés après ce que Tugdual avait fait à sa petite sœur. Elle craignait aussi d’avoir de gros problèmes pour avoir agressé Kilian et déposé plainte contre lui. Elle ne savait pas qu’elle n’avait en réalité rien à craindre, car si Kilian ou sa famille avaient déposé plainte contre elle, lui, Martin, se serait fait un devoir de la bloquer et de faire en sorte qu’elle ne parvienne pas au Parquet. Il n’avait pas la moindre intention de poursuivre ou de faire poursuivre Nolwenn pour dénonciation calomnieuse, ni de lui causer le moindre problème pour la famille Magouero.

 

Schuller estimait que la place de Kilian ne se trouvait pas au sein de sa famille. Le gamin volait dans les grandes surfaces, ne fréquentait pas régulièrement l’école de même que ni son père ni sa mère ne parvenait à lui faire entendre raison et à le remettre sur les rails ! Et puis, un gamin capable d’inventer d’aussi gros mensonges pour essayer d’attirer sur lui l’attention d’une psy ou celle de sa mère ne devait pas être un gamin réellement heureux, ni un gamin aimé et entouré par sa famille ! Quant à la mère, ce n’était pas vraiment une vertu en tant que ménagère ! Son appartement était un véritable champ de bataille ! Une chatte n’y aurait pas retrouvé ses jeunes… Il convenait donc de donner une bonne leçon aux uns et aux autres : au gamin pour lui apprendre à ne plus voler, manquer l’école ni mentir pour se rendre intéressant, et aux parents, pour leur apprendre à se comporter en tant que parents, et à assumer leur fils ! Le placement du gamin dans un centre d’éducation surveillée leur remettrait à tous, la tête à l’endroit, de même qu’un suivi des deux autres enfants par une assistante sociale jusqu’à leur majorité. Il préconiserait ces mesures au juge dont il était sûr et certain qu’il suivrait son conseil.

 

Une chose le tracassait néanmoins. A plusieurs reprises Meghann et Tugdual avaient mélangé les prénoms de Kilian et Brandon.

 

 

 

 

 

 

 

13. Au commissariat

Publié le 11/10/2014 à 23:33 par severinegriebaum Tags : éléments vie moi monde homme bonne roman femme histoire dieu nuit voiture air

 

Au commissariat.

 

 

 

 

 

Arrivée au commissariat quelques minutes après son fils, Vonnick s’était vue intimer l’ordre de s’asseoir sur un siège et d’attendre que le commissaire Schuller accepte de la recevoir, ce qui n’était pas certain car il avait d’autres choses à faire.

 

- Mais enfin il a arrêté mon fils !

 

- Ce n’est toujours pas une raison. S’il fallait recevoir les mères de tous les délinquants qu’on arrête… Le commissaire Schuller s’occupe de votre fils ne vous tracassez pas pour lui! Vous ne devrez être présente que demain matin au Tribunal de la jeunesse. Pour l’instant vous ne pouvez rien faire pour votre lui. Répondit aigrement le policier qui tenait l’accueil du commissariat.

 

- Puis-je au moins lui apporter quelque chose à manger ? Il n’a pas eu le temps de dîner !

 

Le préposé à l’accueil glacial ouvrit la bouche, probablement pour refuser et prononcer des mots peu aimables, lorsque l’inspecteur principal Kervinec entra par la porte des garages. Vonnick eut un mouvement de recul et voulut battre en retraite, mais l’inspecteur l’avait reconnue.

 

- Vous comptez passer la nuit ici avec votre fils ? S’enquit-il d’un ton ironique.

 

Vonnick resta figée, incapable de répondre. Cet homme, aussi beau soit-il, lui faisait peur. Passer la nuit ici… sachant son fils en cellule et l’inspecteur principal Kervinec près de lui, bien sûr que si elle en avait le droit elle passerait la nuit ici pour être sûre qu’il n’arrive rien à Kilian cette nuit. On disait que Kervinec, qui habitait également la Cité Kerfontaint, avait plusieurs morts à son actif. Et aussi que plusieurs personnes placées en garde à vue en étaient ressorties les pieds devant : grièvement blessés, morts, suicidés… On disait tant de choses sur Kervinec. La jeune femme déglutit difficilement mais n’eut pas besoin de répondre, le préposé à l’accueil ayant expliqué en ricanant, à son collègue que Vonnick voulait apporter à manger à son fils, et qu’elle  poussait un peu.

 

L’inspecteur Kervinec chercha à capter le regard de la jeune femme qui se sentait de plus en plus mal à l’aise.

 

- Allez lui chercher à manger, on le lui fera passer. Promit le policier d’un ton neutre. Puis, regardant son collègue.

 

- Ce gosse a treize ans Freddy… tu as raison, faut pas pousser, il a le droit de bouffer… Quand même !!!

 

Freddy haussa les épaules.

 

Vonnick ne se le fit pas répéter deux fois, elle sortit du commissariat.

 

 

 

A peine Vonnick eut-elle fermé la porte du commissariat que Freddy regarda son collègue d’un air mauvais.

 

- C’est un pédophile ce gosse, comme tu dis. Tu as été l’arrêter, tu devrais le savoir. Il a violé une gamine de quatre ans avec un crayon… ça te laisse froid ? Pourquoi on devrait lui faciliter la vie ? Non mais je rêve là… Depuis quand tu as des états d’âme toi ?

 

- Avec Schuller, tout le monde est pédophile et tout le monde a violé tout le monde ! Lança brutalement Tony en claquant la porte. Il la rouvrit néanmoins pour rajouter : « Et quand la mère revient, n’oublie pas de faire porter la bouffe au gosse… » Puis il claqua à nouveau la porte et se dirigea vers le bureau de son collègue et ami le commissaire Jean-Marc Navenec.

 

- Tiens, te voilà toi ! Lança ce dernier. Ça n’a pas l’air d’aller fort… Ce n’était pas une question, juste une constatation. Jean-Marc connaissait Tony depuis trop longtemps que pour douter qu’une grosse colère couvait en lui. Qu’est-ce qui ne va pas ? C’est l’arrestation de ce gamin qui te pose un problème de conscience ?

 

Tony s’assit sur le bureau de Jean-Marc sans souci d’éparpiller dossiers, papiers et stylos. Il cala ses pieds sur la chaise habituellement réservée aux visiteurs (ou plus fréquemment, aux suspects) et jeta brutalement comme s’il crachait les mots:

 

- Toi ça ne te gêne pas ?

 

Le commissaire Navenec rassembla tant bien que mal, les papiers que son ami venait de froisser, les classa du mieux qu’il put pour se donner le temps de réfléchir. Lui non plus n’avait pas aimé le rôle que Schuller leur avait fait jouer tout à l’heure. Jean-Marc détestait et méprisait Schuller qui avait un petit peu trop tendance à chercher à l’utiliser pour les basses besognes qu’il n’osait pas effectuer lui-même. Schuller était un lâche et un pervers. Il affichait un mépris condescendant pour ses collègues « de terrain » comme Tony ou lui, ou encore Bob surnommé Terminator.  Schuller les méprisait pour leur brutalité, mais n’hésitait pas à se servir d’eux et à réclamer leur aide lorsqu’il devait se rendre en intervention. Comme cet après-midi où il avait insisté auprès d’Yves pour obtenir leur aide à lui et à Tony. Schuller savait bien que sans l’intervention d’Yves, jamais il n’aurait accepté. Yves était naïf parfois. Il ne voyait pas Schuller tel qu’il était réellement. Ou peut-être n’avait-il pas envie de le voir tel qu’il était réellement ? Mais pour quelle raison ? Il n’y avait aucune sympathie entre les deux hommes.

 

Jean-Marc soupira.

 

- Je ne sais pas quoi te dire ! Si, ça me gêne. Bien sûr. Ça fait la deuxième fois qu’on nous fait le coup avec les deux mêmes petits qui accusent à chaque fois un ado voisin d’attouchements.

 

- Et chaque fois un voisin du même âge et de physique similaire : même âge, grand, mince, blond aux yeux bleus, même façon de s’habiller. Et chaque fois Schuller plonge dessus et fait placer le gamin. Connaissant les deux gamins, je suis sûr qu’il n’y a qu’un seul coupable : Brandon ! Et puis y a pas que ça… Schuller me fait chier. C’est un malade. J’ai pas oublié il y a deux ans… Putain de connard ! Tu sais bien qu’il n’hésite pas à mentir quand son intérêt est en jeu ou quand il estime avoir le droit de rendre Justice lui-même.

 

Navenec ne répondit pas. Il savait parfaitement de quoi parlait son ami, mais il n’avait pas envie d’évoquer cette affaire.

 

- Laisses tomber Tony ! J’ai pas envie de parler de ça !

 

- T’as jamais envie de parler de ça… ça fait deux ans que tu répètes la même chose !

 

- J’en ai marre de cette histoire Tony, tu peux comprendre ça ?

 

Jean Marc commençait à s’énerver. Tony, lui, menaçait d’exploser.

 

- Moi je vis avec ! Est-ce que je suis le seul à avoir une conscience dans ce putain de commissariat ?

 

- Ça ne sert à rien d’avoir une conscience Tony ! Tu es flic, pas bonne sœur ! Deviens assistant social si tu veux, mais ne me ressers pas cette affaire chaque fois que Schuller traite un dossier ou demande notre intervention ! Et ça te va bien tiens, de parler de conscience ! J’étais pas précisément de bonne humeur aujourd’hui, mais là franchement ! L’inspecteur « la bavure », « l’arme fatale » du commissariat se met à avoir des états d’âme et des cas de conscience ! Mais où va-t-on vraiment ? Qu’est-ce que tu vas encore m’inventer après ça ?

 

Navenec se mit à rire de bon cœur, ce qui n’eut pas le don de plaire à son collègue.

 

- Alors tu vas laisser faire ?

 

- Mais bon Dieu que veux-tu que je fasse ? Je n’ai pas à intervenir dans ses enquêtes ni dans ses dossiers. Il est maître de son service…

 

- Toi tu es l’ami d’Yves…

 

- Et Yves est comme toi… il déconne depuis deux ans ! Surtout quand on évoque cette affaire en particulier. Il entre en transe chaque fois qu’on prononce le nom de Schuller…

 

La sonnerie suivie d’un appel pour une intervention dispensa Tony de répondre. Il descendit du bureau de son collègue.

 

-J’y vais ! T’as pas besoin de venir, je m’occupe de tout, continue seulement tes papiers. A plus !

 

Navenec regarda sortir Tony en soupirant. Lui aussi pensait que Kilian n’était pas coupable. Comme Tony le lui avait déjà fait remarquer précédemment, il était persuadé que les deux petits confondaient Brandon Le Cardet, le premier garçon à avoir été accusé d’attouchements par Meghann et son frère, et Kilian Magouero. Il avait regardé l’enregistrement vidéo de l’audition de Brandon et ce dernier, aussi jeune soit-il, lui était apparu comme un sale petit pervers manipulateur. Et si Tony avait raison ? Et si les deux petits avaient accusé Kilian en le confondant avec Brandon, parce qu’ils étaient jeunes et que les garçons se ressemblaient et avaient tous les deux libre accès à leur appartement, tout comme eux rendaient fréquemment visite aux familles Le Cardet et Magouero ?

 

Mais il y avait autre chose qui mettait son ami en colère. En sortant de l’appartement des Magouero, Tony avait revu Leo. Lui aussi l’avait entraperçue, mais il était rapidement monté dans sa voiture. Tony lui s’était attardé. Jean-Marc savait bien que ce la vue de la jeune femme produisait comme réaction sur son ami.

 

 

 

Vonnick, à peine sortie du commissariat, s’empressa d’aller acheter un hamburger, un paquet de frites et un coca au Mac Donald’s. Malheureusement elle n’eut pas le droit d’aller voir son fils et dut se contenter de la promesse du policier préposé à l’accueil de lui faire passer la nourriture.

 

- Il est en garde à vue il n’a pas droit à des visites. Grogna t-il toujours aussi féroce. Asseyez-vous et attendez que le commissaire Schuller vous appelle.

 

Vonnick resta assise sur sa chaise, attendant le bon plaisir du commissaire Schuller qui ne se décida à la faire monter qu’après l’avoir fait patienter trois longues heures. Ce dernier lui expliqua qu’il avait reçu un coup de téléphone très alarmant de la part de la psychologue scolaire lui expliquant que Kilian lui aurait avoué avoir des pulsions, des envies de violer sa propre sœur, des idées de meurtres… et que dès lors, il avait jugé de son utile d’alerter le Procureur en lui faxant immédiatement un rapport contenant les nouveaux éléments à charge de Kilian. Par fax retour, le Procureur avait exigé que le jeune garçon soit déféré au Parquet dès le lendemain matin.

 

- Il sera entendu par un juge de la jeunesse qui le fera placer pour sa propre sécurité comme pour celle des autres. Expliqua Schuller à Vonnick médusée.

 

Vonnick sentit une sueur glacée lui couler le long de son dos. La psychologue scolaire qui lui avait téléphoné après les aveux de Kilian…

 

La dame lui avait rapporté les paroles de son fils lors de la dernière consultation. Vonnick en avait été choquée mais lui avait néanmoins demandé si selon elle qui l’avait déjà rencontré à plusieurs reprises il aurait été possible que le jeune garçon affabule pour se rendre intéressant ou pour que l’on s’occupe de lui, tant ce qu’il lui avait raconté lui semblait gros, difficile à avaler. La psychologue avait effectivement répondu qu’il était fort possible que ce soit le cas car à elle aussi il avait fait les mêmes aveux et elle soupçonnait Kilian d’avoir inventé cela pour se rendre intéressant, pour que l’on s’occupe de lui.

 

Pourtant elle n’avait pas attendu ni hésité un seul instant : elle avait immédiatement appelé le commissaire Schuller et lui avait déballé les aveux de Kilian !

 

Vonnick avait à la fois envie de crier, de pleurer et d’étrangler cette psy indigne et ce flic condescendant qui la traitait comme si elle avait été la mère de Jack l’Éventreur en personne ! Elle n’avait cherché qu’un conseil parce qu’elle n’était pas sûre de ce que son fils lui racontait. Elle avait le sentiment qu’il cherchait plutôt à ce que l’on s’occupe davantage de lui. La psy l’avait confirmé, et pourtant, quelques heures plus tard elle leur envoyait la police pour faire arrêter placer Kilian…

 

Pourquoi, mais pourquoi la psy avait elle agit de la sorte?

 

 

 

 

 

 

 

12. Leo

Publié le 11/10/2014 à 23:29 par severinegriebaum Tags : femme roman chien voiture

 

Leo

 

 

 

En tenant la portière ouverte le temps que Bob pousse le gamin à l’arrière du véhicule de police, Tony eut le sentiment d’être observé. Il haussa les épaules. Il y avait deux mille logements dans la cité. La plupart des locataires présents devaient être à leur fenêtre pour observer l’arrestation du  pédophile. Il y avait de quoi se sentir observé. En claquant la portière, le policier eut le regard attiré par une Peugeot 405, garée en stationnement interdit, portes et coffres grands ouverts. Une magnifique Peugeot 405 Sti vert sorrento avec des sièges en cuir beige… Il n’y en n’avait qu’une seule dans ce quartier de Kerwaremm. Non. Pas aujourd’hui. Pas justement  aujourd’hui  alors qu’il participait à une arrestation qu’il savait injuste ! Relevant les yeux, il la vit : baskets noires, pantalon militaire kaki trop large, T-shirt noir trop large également, soutenue par une béquille, une minerve autour du cou, la tête coiffée d’un chapeau à la  Indiana Jones.  A ses côtés, la présence d’un magnifique berger allemand expliquait pourquoi la jeune femme osait laisser une voiture pareille ouverte, au beau milieu de la cité pendant qu’elle déchargeait des sacs portant le logo de la grande surface toute proche. Probablement les courses de sa grand-mère qui habitait dans un des immeubles.

 

A la vue des véhicules de police, la jeune femme avait interrompu son déchargement. De sa main valide, elle ôta son chapeau et darda un regard noir sur Tony.

 

Le policier soutint quelques instants le regard méprisant qui le cuisait comme une brûlure, mais il lâcha le premier. Envahi par toutes sortes de sentiments contradictoires, il ne s’apercevait pas que ses collègues étaient prêts à partir. Bob, s’approcha de lui et lui toucha le bras.

 

-Et alorsRoman,serif  man, tu rêves ? On t’attend ou tu rentres à pieds ? Puis, il la vit lui aussi. Oh merde…

 

Tony ne bougeait toujours pas. Deux voitures de patrouille avaient déjà démarré. Le chauffeur de la 406 banalisée klaxonna. Il s’impatientait. Bob se fit plus insistant.

 

-Allez, viens, c’est pas la peine. Reste pas là ! Hé Tony !

 

La jeune femme ne bougeait pas. Son regard méprisant brûlait Tony comme un crachat en plein visage. Il était incapable de soutenir son regard, mais incapable également de le détourner. Bob finit par pousser son collègue à l’intérieur de la voiture avant d’y monter également.

 

Assis à l’arrière, à côté de Kilian, Tony ne détourna le regard de la jeune femme qu’au moment où la voiture eut tourné le coin.

 

 

 

Une fois la voiture de police hors de vue, Leona s’assit sur le siège conducteur de la Peugeot. Elle tremblait de tous ses membres. Ses jambes refusaient de la porter. Les larmes se mirent à couler toutes seules et elle enfonça son visage dans la fourrure de son chien, heureuse que la pénombre du soir tombant lui permit d’échapper aux regards des curieux qui se seraient demandé pourquoi elle pleurait.

 

-Leo ! Leo ?

 

C’était sa grand-mère l’appelait du seuil de son appartement. Sa chère grand-mère. Elle devait se demander ce qui se passait et sans doute s’inquiéter. La jeune femme se frotta les yeux et remit son chapeau, espérant qu’il occulte la trace de ses larmes récentes.

 

-J’arrive mamy ! J’arrive ne t’inquiète pas !

 

Leo se leva, verrouilla les portes et ramassa les sacs qui restaient à terre avant de siffler son chien et d’entrer dans le logement de sa grand-mère en s’appuyant le moins possible sur sa béquille.

 

 

 

11. L'arrestation

Publié le 11/10/2014 à 23:25 par severinegriebaum Tags : éléments homme chez roman bonjour dieu nuit livres

 

L’arrestation.

 

 

 

 

 

La sonnette retentit une fois de plus chez les Magouero. François se leva péniblement, déposa le journal qu’il était en train de lire sur le fauteuil et alla ouvrir la porte. Le vieil homme se trouva une nouvelle fois face à face avec le commissaire Martin Schuller, précédant deux autres policiers en civil et encadrés par plusieurs policiers en uniforme. Il les fit entrer.

 

-Commissaire Schuller, bonjour ! Désirez-vous entrer ?

 

A l’énoncé de ce nom, Vonnick s’empressa de sortir de la cuisine où elle était en train de faire la vaisselle en s’essuyant les mains. Inquiète, elle jeta un regard à son mari.

 

Martin Schuller présenta le commissaire Navenec, chef de la brigade judiciaire et son collègue l’inspecteur principal Kervinec. Vonnick et François regardèrent les deux hommes avec autant, sinon plus d’angoisse qu’ils n’avaient regardé le commissaire Schuller. Les deux policiers en effet, était connus dans le quartier pour être des policiers extrêmement brutaux et violents. Ces deux là n’en n’étaient plus à une bavure près. Lorsqu’ils arrivaient dans le quartier, on pouvait être sûr que c’était pour procéder à une arrestation, et lorsqu’ils arrêtaient quelqu’un, il était rare qu’il ne terminât pas à l’hôpital. Martin demanda une fois de plus à voir Kilian, ainsi qu’à visiter sa chambre. Le jeune garçon n’était pas là, il était parti jouer à la Playstation chez le fils d’un voisin. Vonnick envoya Janig le chercher d’urgence pendant que les policiers perquisitionnaient une nouvelle fois la chambre du jeune garçon. Surtout ne pas refuser, ne rien faire qui puisse mécontenter Navenec et Kervinec…

 

Navenec, grand, un corps long, mince à la limite de la maigreur surmonté d’une tête d’oiseau de proie déplumé, laid à faire peur. Dans son visage de marbre, seuls des yeux bleus à l’éclat tranchant semblaient vivre. Cet homme ressemblait à tout sauf à un être humain, songea Vonnick pleine d’appréhension et osant à peine regarder le policier qui attendait, posté au milieu du living, sans proférer le moindre mot. Son collègue, Kervinec, un peu plus petit était totalement différent.  De type nettement méditerranéen, ses cheveux bruns et bouclés encadrant son visage mince et bronzé dans lequel pétillaient des yeux bruns, presque noirs, Kervinec avait l’air de tout sauf d’un flic. Il était beau garçon. Si sa réputation deRoman,serif;">tueurRoman,serif;">ne l’avait pas précédé, on aurait même pu dire qu’il avait l’air gentil, sympathique… Lui en revanche, paraissait avoir dur à rester sur place. Pour l’instant il regardait les titres des cassettes vidéo et des livres classés dans la bibliothèque, en retirant de temps à autre un pour lire le résumé. Il donnait l’impression d’être en visite.

 

Vonnick se sentit brusquement envahie d’un sombre pressentiment.

 

Inquiète, elle s’approcha de son mari et lui souffla à l’oreille. Ils viennent le chercher n’est ce pas ? Ils sont venus pour l’emmener… Ce n’était pas vraiment une question, plutôt une simple constatation. Constatation confirmée quelques instants plus tard par le commissaire Martin Schuller. Bon, et bien on va l’emmener avec nous. Il va passer la nuit au commissariat, car le juge de la jeunesse nous a fait savoir qu’il souhaitait que nous le déférions au Parquet demain dès neuf heures. Voici l’adresse du Parquet Jeunesse, le nom du juge, Madame Le Gouriec et le numéro de son bureau, le 511 au 2ème étage. Vous êtes attendus demain matin à la première heure !

 

- Mais enfin, pourquoi avez-vous besoin de l’arrêter et de l’emmener au commissariat pour cela ? Nous pouvons très bien l’amener nous-mêmes demain matin au tribunal de la jeunesse! Balbutia Vonnick affolée.

 

- C’est la procédure en vigueur ! Il n’y a pas à discuter Madame ! Alors où est-il ? Il arrive ou faut-il aller le chercher ? Fit le policier d’un ton glacial.

 

- Il arrive, il arrive, sa sœur est allé le chercher ! Répondit François en se sentant soudain très las.

 

Tony cessa de contempler les cassettes vidéo et prit Jean-Marc discrètement à l’écart.

 

-Ce gosse n’est pas coupable. Je mettrais ma main à couper que les deux petits confondent Brandon et Kilian et que c’est Brandon qui a fourré le crayon dans le sexe de la petite Meghann… Lança-t-il d’un ton tendu, en prenant soin de n’être entendu que du seul Jean-Marc.

 

-Et qu’est-ce qui te fait dire ça ? Ton fabuleux instinct de flic ? Ironisa Navenec.

 

-On peut dire ça oui… Je peux te dire que Schuller est encore une fois en train de faire une bourde monumentale. Réagis bordel !

 

Jean-Marc regarda son ami, estomaqué. Réagis ? Et que veux-tu que je fasse ? C’est lui qui est chef de l’enquête.

 

-T’es plus gradé que lui. Fais quelque chose avant que ça ne vire encore une fois au drame.

 

-Mais sur base de quels éléments bon Dieu ?

 

Mon intime conviction. Rétorqua Tony sans rire.

 

-Tu sais que tu es amusant parfois ? Répliqua le commissaire Navenec. Je sais à quoi tu penses beau blond. Mais je ne vois pas ce que je peux faire à ce stade.

 

Tony secoua la tête. Il était furieux. Furieux contre Schuller et ses magouilles. Furieux contre Yves qui se faisait à chaque fois pigeonner. Et furieux contre son ami Jean-Marc qui persistait à suivre les procédures à la lettre.

 

Moins de cinq minutes plus tard, pendant que sa mère était en train de lui réunir quelques affaires dans un sac, Kilian arriva, rouge d’avoir couru et suivi de près par sa sœur. Il avait déjà été prévenu par elle du fait que le commissaire Schuller souhaitait lui parler mais ignorait encore pour quelle raison. Aussi ne comprit-il pas pourquoi le policier avait sorti ses menottes ni pourquoi sa mère lui tendait en pleurant un sac avec des affaires pour la nuit…

 

 

 

10. Vonnick

Publié le 11/10/2014 à 23:24 par severinegriebaum Tags : vie monde roman amour enfants fond femme histoire nuit fille femmes martine pensées

Vonnick.

 

 

 

Vonnick était à bout de nerfs. Cette situation ne pouvait plus durer. Chaque jour elle était confrontée à la voisine Nolwenn qui l’insultait, la traitant de pute, de mère de pédophile et autres noms d’oiseaux. Chaque nuit, des mains anonymes venaient taguer sa façade et sa porte d’insultes toutes plus viles les unes que les autres.

 

La Cité était partagée entre ceux qui n’aimaient pas Nolwenn, ne pensaient pas Kilian coupable, mais ne prenaient pas sa défense pour autant, et ceux, beaucoup plus nombreux qui, remontés contre Kilian pour ses méfaits passés et très chatouilleux sur le sujet à cause des nombreuses affaires de pédophilie relatées dans la presse ces derniers mois. Sans compter le fait que chacun dans le quartier savait que son mari François n’était autre que son ex beau-père, l’ex mari de sa propre mère, l’ayant élevé comme sa fille. Avant que n’éclate « l’affaire Meghann », les gens la regardaient déjà d’un drôle d’œil.

 

Vonnick n’avait pas vécu une enfance ni une adolescence agréable. Sa sœur et elle avaient étés placées à plusieurs reprises en foyer parce que leur mère prétendait n’avoir pas les moyens de les assumer. Les deux sœurs savaient que c’était faux. Simplement leur mère cherchait à se débarrasser de ses filles lorsqu’elle faisait une nouvelle conquête et les récupérait lorsque son histoire d’amour prenait fin.

 

Vonnick n’avait jamais connu la joie d’un véritable foyer. Ce n’était qu’au moment où sa mère s’était mise en ménage avec François que les choses avaient changé. François ignorait que son amie avait deux filles placées en foyer. Lorsqu’il l’avait appris, il avait exigé de leur mère qu’elle fasse immédiatement revenir les enfants et les élève elle-même. Thérèse avait maugréé, n’ayant aucune envie de s’embarrasser de ses filles qui constituaient à son sens, une gêne à sa vie sentimentale puisqu’elles n’étaient pas les filles de François.

 

François qui aimait les enfants en général ne comprenait pas. Il avait lui-même cinq enfants avec deux autres femmes et il ne lui serait jamais venu à l’idée de les renier ou de les cacher à son amour du moment. Mais Thérèse était bizarre. Elle avait un caractère de cochon et très peu d’instinct maternel. Heureusement qu’elle n’avait eu que deux enfants.

 

Une fois que François était arrivé à la maison, Vonnick et sa sœur Martine n’avaient plus jamais vécu en foyer. François se comportait en véritable père pour les deux fillettes. Il avait une préférence marquée pour Vonnick depuis qu’elle était toute petite, mais n’en n’avait jamais rien laissé transparaître.

 

Ce n’est qu’au fil du temps, lorsque Vonnick était devenue adolescente que leurs sentiments mutuels s’étaient affirmés. Car Vonnick était tombée amoureuse de François. Mais était-ce bien François en lui-même qu’elle aimait ou l’image du père qu’elle n’avait pas eu et qu’elle transposait sur son beau-père ? Vonnick s’était posé la question à plusieurs reprises, mais ne s’y était jamais attardé. Peut-être n’avait-elle pas envie de connaître la réponse ?

 

Toujours est-il qu’à peine majeure, Vonnick s’était enfuie de la maison maternelle en compagnie de François qui était toujours le mari de sa mère. Ensemble ils avaient eu un premier enfant et s’étaient installés dans le logement qu’ils occupaient toujours actuellement dans la Cité Kerfontaint.

 

Après la naissance de Kilian, Vonnick avait repris ses études car elle voulait absolument obtenir son diplôme de puéricultrice. Mais jamais elle n’avait exercé sa profession. Une fois son diplôme en poche, elle avait eu un deuxième enfant, puis un troisième et sa vie s’était déroulée sans problème, chouchoutée par son mari jusqu’à ce que Kilian tourne mal, et plus récemment jusqu’à ce qu’il soit accusé de viol.

 

Vonnick n’avait pas eu une enfance agréable, mais n’avait pas été préparée à affronter de telles difficultés. Lorsqu’elle était placée, les éducateurs prenaient toutes les décisions à sa place et depuis que François était entré dans sa vie, c’était lui qui se chargeait de diriger sa vie. La jeune femme n’avait aucune raison de s’en plaindre puisqu’elle était le centre du monde pour François et chacun de ses faits et gestes était destiné à lui adoucir la vie et à lui être agréable. Aussi âgé et malade soit-il, il s’acharnait à épargner à sa jeune femme la moindre contrainte.

 

Jamais Vonnick n’avait du faire la moindre démarche ou prendre la moindre décision. Elle se sentait déjà dépassée lorsque Kilian volait dans les grandes surfaces et séchait les cours. Aussi était-elle complètement perdue et incapable de faire face à l’accusation de viol lancée contre son fils. Elle aurait voulu réagir, être forte, parvenir à défendre son fils qu’elle aimait sincèrement, mais elle n’en trouvait pas la force. Elle s’en sentait totalement incapable. Assumer un tel problème au quotidien était au dessus de ses forces, à un point tel qu’elle avait quelquefois envie de fuir la maison ou que son fils soit placé afin que ce cauchemar s’arrête.

 

Elle s’en voulait d’avoir de telles pensées à l’égard de son fils, de la chair de sa chair, de cet enfant qu’elle avait désespérément voulu, qu’elle aimait de toutes ses forces, mais qu’elle ne supportait plus. En même temps elle se sentait effrayée de ressentir cela. Quel genre de femme était-elle vraiment ? N’avait-elle ni cœur ni instinct maternel ? Était-elle comme sa mère finalement ?

 

Mais Vonnick n’était pas femme à réfléchir ni à se poser des questions durant des heures. Lorsqu’elle se sentait submergée par des pensées aussi sordides, elle s’empressait d’allumer sa chaîne hi-fi à fond et de s’évader en chantant ou en lisant un roman de gare à deux sous, ou encore en regardant l’un ou l’autre feuilleton ou jeu télévisé insipide que l’on passait à longueur de journée pour laménagère de moins de 50 anset qu’elle adorait.

 

 

 

9. Confidences malheureuses

Publié le 11/10/2014 à 19:12 par severinegriebaum Tags : bonne vie homme roman enfants amis argent fille femmes film jardin air

 

Confidences malheureuses…

 

 

 

 

 

Lorsque Kilian rentra à la maison ce soir là, sa mère le reçut avec une volée de gifles. Le garçon surpris par ce traitement laissa tomber son sac à dos et essaya de se protéger du mieux qu’il put.

 

Sa mère se mit une nouvelle fois à hurler des paroles incompréhensibles, telles qu’en hurlait la voisine l’autre jour et telles qu’elle en hurlait chaque fois qu’elle le rencontrait. D’ailleurs Kilian ne pouvait plus faire un pas dans le quartier sans se faire insulter voir frapper ou traiter de pédophile, de pervers, de malade, que ce soit par des adolescents, de jeunes enfants, et même par des adultes du quartier…

 

Pratiquement chaque matin on retrouvait des graffitis sur les murs de façade et sur la porte d’entrée ainsi que des inscriptions Kilian Magouero, pédophile et autres insultes du même genre…

 

Ses parents en avaient plus qu’assez. Son père avait du faire venir le médecin et lui avait reproché ce fait : c’était de sa faute ! Toujours à courir avec n’importe qui ! François l’avait bien prédit que Kilian tournerait mal, à force de voler, de sécher les cours, etc.

 

Le jeune garçon se dit que sa mère venait sans doute une nouvelle fois de frotter des graffitis et qu’elle devait être en colère contre lui mais cette fois semblait différente : Vonnick après avoir piqué sa colère le poussa violemment dans le fauteuil et lui intima l’ordre de l’écouter. Elle avait quelque chose d’extrêmement important et grave à lui dire.

 

Elle lui demanda à plusieurs reprises s’il l’écoutait. Il se déclara prêt à l’entendre, mais sa mère ne semblait pas vouloir en venir aux faits. Puis enfin, elle se décida. La psychologue de l’école avait téléphoné à Vonnick cet après midi, catastrophée car au cours de sa dernière séance avec Kilian ce dernier aurait paraît- il avoué avoir enfoncé le crayon dans le sexe de la petite Meghann, en expliquant avoir fait cela pour voir ce que cela faisait, parce qu’il pensait des choses en regardant les filles… La psychologue lui avait demandé à quelles choses il pensait mais le jeune garçon avait été incapable de répondre…

 

Vonnick demanda à son fils si c’était vrai s’il avait bien dit cela.

 

- Heu... Je crois. Répondit prudemment le jeune garçon qui n’avait plus tellement l’impression que les réponses qu’il avait données à la psy allaient faire plaisir à sa mère.

 

- Tout à l’heure en effet comme chaque semaine depuis le début de l’affaire, Madame Le Goévec, la psychologue scolaire l’avait appelé dans son bureau, et comme chaque semaine elle lui avait posé les mêmes questions auxquelles il avait répondu plus ou moins de bonne grâce bien qu’il commençait à se lasser de ce petit jeu. Cela l’avait amusé au début car pour une fois quelqu’un semblait s’intéresser à lui, lui posait des questions sur lui, sur sa personne, sur sa vie, sur sa scolarité, sur sa vie de famille. Jamais ses parents n’avaient eu ce genre de conversation avec lui ! Ils avaient en effet décrété une fois pour toutes qu’il était inutile d’essayer de ramener le jeune garçon à la raison, il tournait mal et allait virer voyou et terminer sa vie en prison, voilà tout ! L’espoir de ses parents était qu’il attende l’âge de sa majorité pour commettre un grave délit afin qu’ils ne soient pas déclarés responsables civilement de ses actes et condamnés à payer pour lui. Mais Kilian n’avait pas le sentiment de commettre des délits au sens propre du terme.

 

Bien sûr, il lui arrivait de faucher un CD à la grande surface seulement il devait bien montrer à ses potes qui se ramenaient à l’école ou à la plaine avec des objets volés que lui aussi était capable d’en faire autant. D’ailleurs il s’était presque à chaque fois fait prendre en sortant de la grande surface !

 

Bien sûr il ne fréquentait pas assidûment l’école mais à quoi cela servait-il? Il ne savait pratiquement ni lire ni écrire et il avait le sentiment que rien de ce que les profs essayaient de lui apprendre ne servait à quoi que ce soit dans la vie ! D’ailleurs la plupart du temps il ne comprenait même pas ce que le prof expliquait ! De plus, refusant le port de ses lunettes il était incapable de lire ce qui était écrit au tableau.

 

Kilian voulait devenir mécanicien comme son père. Mais là non plus il n’aurait pas su dire pourquoi il voulait suivre les traces de son géniteur ! Seulement à l’école on n’apprenait pas la mécanique. Il aurait fallu le mettre dans une école professionnelle et pour cela il fallait attendre encore un an. Donc à quoi bon attendre en s’ennuyant à l’école alors que l’on s’amusait tellement plus à la plaine en jouant au foot, en roulant à vélo, et en faisant les grandes surfaces ?

 

Mais petit à petit les conversations avec la psy ne l’avaient plus autant amusé. Madame Le Goévec ne s’intéressait plus autant à lui, à sa vie quotidienne, à ses aspirations, à ses amis qu’au début lorsqu’elle cherchait à le mettre en confiance. Elle s’était mise à parler de sexualité, de filles, et par la force des choses de ce qui était arrivé à la petite Meghann.

 

C’était un sujet que Kilian n’aimait plus aborder car la psy, comme Schuller et comme sa mère voulait absolument lui faire dire les choses d’une autre manière que celle dont elles s’étaient passées et le jeune garçon ne comprenait pas pourquoi. On aurait dit que comme sa mère et comme le commissaire, la psy avait envie que ce soit Kilian ait enfoncé le crayon dans le sexe de la petite…

 

Mais pourquoi ? Pourquoi les adultes refusaient ils d’entendre la vérité ? Pourquoi voulaient-ils toujours que leur propre interprétation des choses soit la bonne? Pourquoi compliquaient-ils les choses à plaisir?

 

Kilian n’aimait pas ce sujet car on lui posait des questions auxquelles il ne savait pas répondre ! Lorsque sa mère ou la psy lui demandaient s’il avait déjà eu des relations sexuelles il s’était senti obligé de répondre oui ! Sans quoi il serait passé pour un plouc ! A treize ans c’est bien connu tous les garçons ont déjà eu des relations sexuelles avec une fille ! D’ailleurs comme la majorité des copains de son âge, il se promenait avec un préservatif dans son portefeuille qu’il ouvrait négligemment en présence des autres, pour faire croire que…

 

Le problème c’était qu’en réalité il n’avait même jamais embrassé une fille mais qu’une fois le mensonge lancé il ne pouvait plus revenir en arrière. D’ailleurs aux flics aussi il avait annoncé qu’il avait déjà eu des relations sexuelles avec plusieurs filles du quartier, ne fut-ce que pour qu’ils le considèrent comme un homme et non comme un gamin !

 

Alors pour ne pas passer pour un ignorant en la matière, le jeune garçon avait emprunté à un copain plus âgé des magazines pornographiques et s’en était imprégné… Étrangement, il enregistrait cela mieux que ses leçons à l’école ! Il avait puisé dans ses lectures des choses qu’il estimait avoir pu faire et de ce fait avait eu matière à répondre lorsque la psy et sa mère l’avaient à nouveau interrogé…

 

Cela s’était avéré concluant, car sa mère recommençait à discuter avec lui et à s’intéresser à ses paroles, ce qui fait que même si la conversation ne prenait pas le tour qu’aurait souhaité Kilian, il s’estimait quand même satisfait d’une certaine manière, puisque sa mère s’occupait de lui…

 

Quant à Madame Le Goévec, il avait également senti un regain d’intérêt lorsqu’il s’était mis à raconter ses exploits… Ses sexploits comme aimait à le répéter Orlando qui s’était lui aussi mis à témoigner d’un regain d’intérêt envers son jeune voisin!

 

Le jeune garçon en avait conclu logiquement que pour intéresser les adultes il fallait être capable de parler de sexe et surtout de faire ce dont on parlait ! Cela ne l’étonnait d’ailleurs pas puisque c’était un sujet d’adultes ! C’était sans doute la raison pour laquelle les adultes ne s’intéressaient généralement pas aux enfants. Parce que ces derniers ne parlaient pas encore de sexe et ne le pratiquaient pas encore. Alors par politesse s’ils discutaient avec un enfant, ils lui posaient des questions sur ce qui était susceptible de l’intéresser, en l’occurrence l’école mais lorsque comme en ce qui le concernait, l’école ne l’intéressait pas du tout et il y était trop nul, l’adulte se détournait de l’enfant ou de l’adolescent car il ne savait plus de quoi parler avec lui et décidait d’attendre sans doute que celui-ci sache parler de sexualité !

 

D’ailleurs la meilleure preuve n’était elle pas le fait que les seules blagues qui faisaient rire les adultes aux éclats étaient les blagues cochonnes ?

 

Alors Kilian, pour cesser de répondre sans arrêt aux mêmes questions et pour regagner de l’importance aux yeux des adultes avait fini par changer sa version des faits et reconnaître à la psy avoir enfoncé le crayon dans le sexe de Meghann… Après tout, cela ne pourrait avoir aucune conséquence puisque le commissaire Schuller ne croyait tout de même pas en sa version ! Le policier était persuadé qu’il avait bien violé Meghann et pourtant ne l’avait pas arrêté, que pouvait-il donc lui arriver de pire s’il avouait ? Que le commissaire pense que Kilian mente en affirmant qu’il n’avait pas enfoncé le crayon ou que Kilian invente qu’il ait réellement enfoncé le crayon, qu’est ce que cela pouvait bien changer à l’affaire ?

 

Maintenant au moins, la psy aurait un sujet de conversation avec lui et quand elle aurait fini d’approfondir le sujet, peut être pour le remercier recommencerait elle à discuter avec lui des sujets dont il avait envie de parler, comme l’école où il ne se plaisait pas car il avait envie d’apprendre la mécanique, les copains du quartier qu’il avait envie d’imiter, et autres… Il lui avait déjà parlé de tout cela au début quand elle lui avait demandé de parler de lui mais elle n’écoutait pas vraiment, Kilian s’en était aperçu au bout de quelques temps, en fait elle le laissait parler par politesse, sans jamais lui répondre ni lui donner les conseils qu’il espérait, attendant le moment où il aurait fini pour orienter la conversation dans une direction qui lui plairait à elle.

 

Il avait avoué le viol, puisqu’elle y tenait tant, mais force lui était de reconnaître que ses aveux n’avaient pas eu l’effet escompté ! Madame Le Goévec ne s’était pas plus intéressé à lui pour autant, elle s’était contentée de devenir encore plus froide et encore plus distante, de noter quelque chose dans son cahier et de lui annoncer qu’il pouvait partir maintenant. Kilian avait été fort surpris par sa réaction, il avait cru, espéré que ses aveux déboucheraient sur une longue conversation, mais rien du tout ! Il pouvait partir…

 

Finalement le jeune garçon était terriblement déçu parce qu’à chaque fois qu’il s’imaginait que quelqu’un allait réellement le prendre en considération, il réalisait que ce quelqu’un ne le faisait jamais pour lui mais pour une toute autre raison ! On lui demandait toujours des choses qu’il ne comprenait pas ou qu’il était incapable de faire ou de donner et lorsqu’on s’en rendait compte on se désintéressait de lui et on le rejetait comme une vieille serpillière!

 

Maintenant c’était au tour de sa mère ! Il rentrait à la maison et elle lui tombait dessus comme une furie, se mettant à le frapper en lui reprochant d’avoir parlé à la psy alors qu’il l’avait fait en grande partie pour lui faire plaisir !

 

- Alors tu l’as vraiment fait espèce de salopard ! Tu es vraiment un malade ! Un détraqué sexuel ! Cela ne te suffisait pas d’être un voyou et une crapule, il faut en plus que tu sois un violeur ! Mon fils est un violeur ! J’ai toujours su que tu ne serais jamais bon à rien…

 

Kilian ne comprenait à nouveau plus rien à rien! Sa mère semblait avoir tellement envie qu’il l’ait fait de même que la psy ! Il n’avait dit cela que pour leur faire plaisir et maintenant qu’il l’avait fait elles le rejetaient toutes les deux !

 

- Tu lui as expliqué aussi que tu pensais à des choses en regardant les filles ? Interrogea sa mère d’un air gourmand.

 

Kilian aperçut à nouveau une lueur d’intérêt dans le regard de sa mère et se dit que tout n’était peut-être pas perdu ! Il acquiesça sans répondre.

 

- Et à quoi penses-tu comme çà en regardant les filles ? Est-ce que c’est vrai que tu as déjà eu des relations sexuelles ? Tu as déjà couché avec une fille ?

 

C’était reparti ! Une fois de plus sa mère souhaitait qu’il lui dise ce qu’elle avait envie d’entendre et une fois de plus, dans l’espoir d’un regain d’intérêt le jeune garçon puisa dans ses lectures pornographiques et dans les films qu’il avait visionnés, des histoires qui auraient pu intéresser sa mère.

 

Il eût soudain une illumination, se rappelant un film vu récemment dans lequel un tueur en série commençait sa carrière, en dérobant les petites culottes de sa sœur, puis de sa mère, puis celles que la voisine faisait sécher dans son jardin avant de terminer en kidnappant des jeunes femmes pour les tuer sauvagement puis les violer ensuite. Kilian se mit à expliquer à sa mère sidérée qu’il dérobait les petites culottes de sa sœur, qu’il les découpait, qu’il observait en cachette sa sœur prendre un bain et s’habiller, qu’il avait envie d’elle, que de temps à autre, il ressentait des envies de tuer et de découper des filles en morceaux après les avoir violées…

 

Il se dit que cette fois il en avait donné à sa mère pour son argent et qu’elle allait enfin être satisfaite…

 

La réaction de Vonnick ne se fit pas attendre mais ce n’était pas du tout celle à laquelle son fils s’attendait !

 

- Espèce de fou ! Espèce de malade ! Non mais tu ne te sens pas bien ! Alors cela ne te suffit pas de violer une gamine de quatre ans, il faut aussi que tu penses à violer ta sœur ! Pourriture ! Pervers ! Malade ! Se mit-elle à hurler, écumante de fureur en lui assénant une nouvelle volée de gifles.

 

Kilian ne comprenait vraiment plus rien à rien ! Il échappa à sa mère, sortit de l’appartement en claquant la porte, ramassa son vélo et s’en fut rejoindre ses copains sur la plaine.

 

 

 

Commissariat de Kerwaremm, deux jours plus tard

Publié le 03/10/2014 à 23:31 par severinegriebaum Tags : moi monde enfants femme mort bonjour sourire fille bande oiseaux

Commissariat deKerwaremm – 2 jours plus tard.

 

 

 

« Oh j’ai froid, d’un froid de glace… »

 

 

 

L’inspecteur Max Gimenez sortit de l’ascenseur et poussa la porte de son supérieur et ami le commissaire Le Scoharnec. Celui-ci était assis derrière son bureau en train d’examiner un dossier tout en sirotant son café du matin.

 

-Salut Yves. Tu m’offres un café ? J’ai des nouvelles pour toi.

 

Le commissaire Le Scoharnec relèva la tête et sourit à son adjoint.

 

-Salut Max. Toujours aussi ponctuellement en retard ! Je suppose que tu as conduit tes enfants à l’école ? Sers-toi, le café est tout frais.

 

Max sourit à son tour. Il se servit un café après avoir déposé le dossier qu’il tenait en main, sur le bureau de son ami, mais son sourire n’atteignit pas ses lèvres. Ce n’était pas habituel. Les nouvelles évoquées devaient être mauvaises. Max s’assit sur le bureau et montra le dossier d’un signe de tête.

 

-Explique-moi ce qui se passe. Ca m’a l’air sérieux. Demanda Yves. Mauvaises nouvelles ?

 

-Assez oui. Tu te rappelles de Léa Deville, la mère de famille portée disparue dans la Cité des Oiseaux il y a deux jours ?

 

Yves sentit ses entrailles se glacer. Il connaissait Léa Deville lorsqu’elle était adolescente. Il connaissait également son frère David. Il y a une vingtaine d’années, le frère et la sœur traînaient pratiquement tous les soirs avec une bande d’adolescents dans une rue piétonne devant l’école primaire. Ils roulaient à mobylette, à vélo, à rollers ou jouaient au foot… et faisaient « Coucou » aux flics qui patrouillaient dans le quartier ! Il y a deux jours, son mari et son fils aîné étaient venus déclarer sa disparition au commissariat. Selon eux, elle était partie très tôt le matin, sans rien dire à personne. Sans laisser de mot. Elle n’avait plus reparu depuis. Sa disparition était inquiétante car elle se déplaçait difficilement suite à un accident et n’avait pas l’habitude d’effectuer de longues promenades et encore moins de ne pas prévenir son mari ou ses enfants lorsqu’elle quittait la maison. Ce qui ne lui arrivait plus très souvent depuis son accident. Et d'autant plus inquiétante que Léa était considérée comme une "mère poule" par sa famille. Imaginer qu'elle puisse quitter la maison, ne fût-ce que pour faire une course, sans emmener ses plus jeunes enfants était tout bonnement impensable. En pensant à Léa, Yves se posait des questions. Etait-ce l’accident ou autre chose, la dernière fois qu’il l’avait croisé par hasard à la poste, il avait remarqué que l’adolescente souriante à qui il devait sans cesse rappeler de mettre son casque pour rouler à mobylette lorsqu’il patrouillait dans les rues, avait fait place à une femme effacée au regard triste.

 

L’air sombre de son ami lui laisse présager le pire.

 

-Ne me dis pas que…

 

-Si malheureusement… Elle est morte. On a retrouvé son corps au pied d’un HLM dans le quartier des Tanneurs. D’après les premières constatations elle se serait jetée du dernier étage de l’un des immeubles. Le labo de la PJ est sur place. Le substitut devrait bientôt arriver. Et moi je t’apporte le dossier. Il contient une sorte de journal intime de la victime. Peut-être y trouvera-t-on des indications, des réponses à nos questions…

 

Yves soupira en ouvrant le dossier. Il était flic depuis plus de vingt ans mais n’avait jamais su se débarrasser de cette fichue sensibilité, de cette empathie envers certaines victimes.

 

Il revit le visage souriant de Léa adolescente lui répondant sur un ton gentiment moqueur « Allez quoi ! Soyez sympa… je viens de me faire un brushing, le casque va complètement aplatir mes cheveux ! »

 

Ils n’étaient pas liés. Ils ne se connaissaient que de vue. Ils ne faisaient que se sourire et se dire bonjour, mais sa mort lui fit mal. Jamais il n’aurait imaginé un tel destin pour cette jeune fille sympathique. Il secoua la tête.

 

-C’est moche hein ? Fit Max. Je me rappelle de Léa Deville. On fréquentait la même école primaire. Elle était une classe en-dessous. Elle était sympa… Je ne la voyais pas finir comme ça.

 

Tout le monde se connaissait dans le quartier. Même si on ne se parlait pas nécessairement. On savait que chacun avait des racines communes. On était tous un peu de la même famille.

 

-Moi non plus je n’imaginais pas ça. Répondit Yves en se mettant à feuilleter le journal de Léa pendant que son adjoint les resservit tous les deux en café.

 

 

 

 

 

 

 

Prologue - Les jeux sont faits

Publié le 03/10/2014 à 23:27 par severinegriebaum Tags : vie monde chez bonne amour enfants photo fond photos femme mort heureux fille nuit femmes chien fleurs peinture papier voiture livres bébé

Prologue.

 



 

Comme la vie est triste!

 

Et triste aussi mon sort.

 

Seul, sans amour, sans gloire!

 

Et la peur de la mort!

 

Et la peur de la vie aussi!

 

Suis-je assez fort?

 

Je voudrais être enfant, voir ma mere encore…”

 

(Jules Laforgue)

 

 

 

 

 

Léa se tourne dans son lit. Elle ne parvient décidément pas à se rendormir. Il fait trop chaud. Elle se sent mal. Toute la nuit elle n’a fait que se tourner et se retourner sur son matelas, sans jamais parvenir à trouver le sommeil. Elle sait bien que son insomnie n’est pas seulement due à la chaleur accablante qui règne dans l'appartement en ce début de mois d’août, et malgré les fenêtres ouvertes. Sa décision lui occupe l’esprit. Elle a mit longtemps à l’arrêter, mais cette fois c’est la bonne. Elle ne changera plus d’avis. Ce n’est plus possible. D’ailleurs aucune autre solution n’est possible. Il est trop tard. Beaucoup trop tard.

 

La jeune femme regarde son réveil. Il est 4heures 47. Avec un soupir, elle repousse son drap, s’assied sur son lit, se prend la tête entre les mains, puis finit par se lever. A quoi bon continuer à essayer de dormir ? De toutes manières, il est presque l’heure !

 

Léa se dirige vers la salle de bains. Farfouillant dans ses produits de toilette, elle trouve un flacon de teinture et réfléchit. Pourquoi pas ? Autant s'en aller le plus dignement possible.

 

La jeune femme teint ses cheveux afin d’estomper le nombre croissant de cheveux gris disgracieux, qui commencent à se répandre tout près de ses tempes, et qu’elle déteste si fort. Léa prend un soin tout particulier à sa toilette. Elle se regarde dans la glace avec tristesse. Son visage qui était resté frais et jeune pendant tant d’années, lui paraît à présent flétri, fané par les épreuves de la vie. Elle a l’impression de porter plus que ses 36 ans. Ses yeux bleus, jadis pétillants de vie et d’intelligence, lui semblent aujourd’hui ternes et morts. Les yeux sont le miroir de l'âme, mais son âme l'a quittée.

 

Elle n'est plus rien, qu'une morte vivante. De grands cernes noirs lui creusent le visage. Son teint, jadis joliment hâlé est maintenant gris et terne. Ses cheveux châtain clair ont perdu leur couleur, striés à présent de cheveux gris au niveau des tempes. Leur coupe est devenue informe. Depuis combien de temps n'est-elle plus allée chez le coiffeur? 8 ans? 10 ans? Plus? Oui sûrement plus. Une loque humaine, voilà ce qu’elle est devenue, elle jadis si coquette et qui passait son temps à se pomponner, se coiffer, choisir ses habits avec soin, harmoniser les couleurs.

 

La Cité HLM est déserte lorsqu’elle sort promener le chien Zéphyr. Léa en profite pour s’asseoir quelques minutes sur le porche de l’église, où elle se met tout à coup à sangloter dans la fourrure de l’animal, tout en le câlinant.

 

Il fait à peine jour, l’air est encore frais, mais on sent bien qu’il va faire beau aujourd’hui.

 

Un quart d’heure plus tard, Léa retourne vers le logement 6 chambres, où son mari Michel, ses huit enfants et elle-même, habitent depuis un peu plus d'une quinzaine d’années. Elle accroche la laisse au portemanteau, ouvre la porte de la terrasse pour laisser sortir Zéphyr afin qu’il puisse rester au frais, lui dépose un bol d'eau fraîche et ses croquettes.

 

Elle jette un dernier coup d’œil à l’appartement, le living, bien rangé dont elle ouvre la fenêtre à battant, sachant que la journée sera probablement chaude. Elle retire quelques livres de la bibliothèque et les glisse dans son cartable où ils rejoignent ses papiers importants, ses photos, souvenirs de ceux qu’elle aimait et qui ne sont plus là aujourd’hui, son journal intime qu’elle rédige depuis qu’elle est enfant et qui contient toute sa vie, agrémenté de fleurs, de timbres, de dessins, de cartes postales, de photos…

 

Les larmes coulent toutes seules, et la jeune femme referme vite le cahier qu’elle fourre à nouveau dans son cartable. Tout y est : la photo de sa grand-mère maternelle, la personne que Léa aimait le plus au monde avant que naissent ses enfants, celle de ses grands-parents paternels, qu’elle a beaucoup aimé aussi, celle de son frère, son presque jumeau, la photo de chacun de ses enfants, celle de son chien précédent, Nalu, mort écrasé par une voiture, celle de Zéphyr.

 

Ensuite, Léa fait le tour des chambres. Hypolyte, 19 ans dort seul. Il a besoin de son intimité car il se consacre tout entier à ses études d'ingénieur entamées l'an passé. Garin, 17 ans, dort depuis toujours avec son frère Landry, 12 ans. Les deux garçons sont inséparables malgré leur grande différence d’âge. Philippine, 19 ans, elle, dort seule. Derrick et Théodore, 13 et 6 ans, qui se disputent toujours avec leurs frères et sœurs, dorment seuls, ainsi ils n’empêchent pas les autres de dormir, tandis qu’Apolline 15 ans et Antoinette 6 ans également, soeur jumelle de Théodore, dorment ensemble : les deux soeurs s’entendent à merveille.

 

Léa embrasse ses enfants, prenant bien garde de ne pas les éveiller. Arrivée à Antoinette, elle se met à pleurer. Antoinette est la plus jeune de ses enfants avec Théodore, mais contrairement à son frère qui est terriblement débrouillard, la petite fille a encore tellement besoin d’elle, tellement besoin d’amour. Mais son amour n’est-il pas étouffant? N’empêche-t’il pas la petite fille de grandir et de s’épanouir, parce qu’elle, sa mère, est victime de crises d’angoisse qui la font paniquer à chaque fois que la petite est hors de sa vue ?

 

Antoinette bouge dans son sommeil. Elle se retourne et met son petit pouce en bouche. Attendrie, Léa songe à renoncer. Allons, il y a peut être une autre solution ?

 

Mais bien vite, elle se reprend. Cela fait 20 ans que cela dure, s’il y avait eu une autre solution, elle l’aurait trouvée…

 

Léa laisse couler librement ses larmes qu’elle ne peut plus contenir et embrasse une dernière fois la petite Antoinette. Elle endosse son sac à dos et sort de l’appartement en laissant ses clés pendre dans l’armoire. Sans espoir de retour…

 

Dehors, le jour s’est totalement levé, et même s’il est encore très tôt, la journée promet d’être radieuse. Le soleil fait déjà son apparition. On sent qu’il va faire chaud. L’air est doux et sent bon l’herbe coupée, les fleurs… toutes ces odeurs qui lui en rappellent d’autres dont elle rêve depuis tellement longtemps. D’autres qu’elle voudrait retrouver, sentir à nouveau. Mais elle sait qu’elle espère en vain, que jamais elle ne reverra ce petit village où elle est née et qu’elle aime tant. Ce petit village où elle a connu les quelques rares heures de bonheur véritable.

 

Léa cueille une fleur et sourit en pensant à Derrick à qui elle avait coutume de répéter que les fleurs étaient comptées par la municipalité afin qu’il ne les cueille pas pour lui en offrir un bouquet à chaque fois qu’il sortait. Les larmes reviennent et la jeune femme jette sa fleur. Surtout ne pas penser à Derrick, son petit bébé d’amour et de câlins. Surtout ne pas penser à Antoinette qui ne sait pas se passer d’elle (à cause d’elle ?). Surtout ne pas penser à ses enfants, à Hypolite pour qui elle ne semble même pas exister et qui se contente de lui parler par monosyllabes. A Garin qui lui crache sa haine et son mépris presque quotidiennement, à Philippine qui n’est jamais contente, quoi qu’elle fasse, qui ne vit plus que par et pour les contradictions et qui ne sait même plus lui parler sur un ton normal.

 

Faire le vide dans son esprit. Le vide absolu. Ne pas perdre courage. Ne pas revenir en arrière.

 

Léa traverse le bois et débouche sur la place. Un bus attend les voyageurs au terminus, pour le premier départ de la journée. Léa y monte, présente son abonnement au conducteur qui, ensommeillé la regarde à peine. Elle va s’asseoir tout au fond du véhicule. Elle est la seule passagère. Il est encore beaucoup trop tôt. Quelques minutes plus tard, le chauffeur fait ronfler son moteur et le bus démarre. Léa enlève son sac à dos et le pose à côté d’elle. Il faut à tout prix empêcher ses larmes de couler.

 

Le bus sort rapidement de la Cité. Le cinquième arrêt la mène presque devant la maison de ses parents. La maison de son enfance. La maison où elle a tant souffert, mais où elle a également connu quelques jours heureux. Un sanglot lui échappe. Une boule se forme dans sa gorge, dans sa poitrine.

 

- Maman. Murmure-t-elle tout bas. Et les larmes se remettent à couler.

 

Le bus poursuit son trajet, pratiquement à vide. Personne ne vient s’installer à côté d’elle et parmi les rares voyageurs ensommeillés, aucun ne fait attention à elle.

 

Lorsque le bus arrive à la place Gambetta, Léa sonne pour demander l’arrêt. Elle descend du véhicule. Regarde autour d’elle. Comme la place a changé depuis le temps qu’elle n’est plus venue. Depuis combien de temps au fait ? Depuis la mort de sa grand-mère, il y a douze ans.

 

Douze ans et pourtant dans son esprit, il lui semble que c’était hier, qu’adolescente, elle descendait presque chaque jour à cet arrêt pour venir chez sa grand-mère, faire les courses, l’aider à nettoyer ou simplement lui tenir compagnie afin de profiter un maximum de sa présence, sachant qu’à son âge, elle ne vivrait sans doute plus 20 ans, même si elle n’était pas malade.

 

La boucherie n’existe plus, le marchand de literie est fermé. Par où va-t-elle monter ? Par la rue de l’abricotier, à droite, piétonnière et sale qu’elle empruntait rarement à l’époque, ou par celle de gauche, la rue des vergers qui était son premier trajet, celui que sa mère lui avait indiqué quand elle n’avait pas 10 ans, afin d’être sûre qu’elle ne se trompe pas, car il menait presque droit vers l’appartement de sa grand-mère ? Celle de droite lui rappelle le voisin de bonne maman, qui jouait fréquemment du violon pour se faire un peu d’argent. Mais il n’est plus là, il est sans doute décédé à l’heure qu’il est.

 

Elle fait quelques pas dans la rue, puis redescend, attristée. La plupart des maisons ont les fenêtres et les portes murées par des briques ou des panneaux de bois, le restaurant a fermé ses portes. La librairie est devenue un véritable taudis. La rue des boulets est toujours aussi sale cassée au même endroit. Deux véhicules y sont garés en stationnement interdit, comme d’habitude. La volée d’escaliers à main gauche est toujours aussi sale aussi. La quatrième marche en partant du bas est toujours cassée et n’a pas été réparée après toutes ces années.

 

L’arbre rachitique au bas de la rampe n’a pas bougé non plus. Pas plus que les petits sentiers serpentants entre les HLM. Pour un peu, Léa se serait crue une quinzaine d’années en arrière, quand sa grand-mère était encore vivante, quand ses aînés étaient encore petits, quand tout était encore possible…

 

Léa monte la rampe et se retrouve en dessous de l’immeuble de sa grand-mère. Les volets du logement du rez de chaussée ont étés taggés, tout comme ceux du réduit où le concierge prenait jadis sa pause en buvant un café. Réduit aujourd’hui cadenassé. Isidore, le concierge, qui rendait tant de services à sa grand-mère, devait également être décédé aujourd’hui. La jeune femme courbe les épaules, se demandant si elle a réellement bien fait de revenir ici après toutes ces années. Arrivée devant l’immeuble où sa grand-mère habitait à l’époque, Léa comprend très vite qu’elle n’aurait jamais du venir, qu’elle aurait mieux fait de garder intacts les souvenirs du quartier dans son cœur et dans sa mémoire. Ce qu’elle voit lui crève le cœur. L’immeuble est vide. Les autres également. Les carreaux qui ne sont pas cassés sont masqués par de grandes plaques de bois suintantes d’humidité. La porte, béante, laisse apparaître une cage d’escaliers dévastée. Le quartier entier est devenu un fantôme, une coquille vide où plus personne n’habite.

 

Revenue de sa surprise, Léa monte les marches menant à la passerelle où il faut obligatoirement passer pour entrer dans l’immeuble. La fenêtre de sa grand-mère est une de celles qui sont cassées, mais non bouchée par une plaque en bois. La jeune femme jette un regard à l’intérieur. Il ne reste plus rien de ce qui était auparavant un coquet petit appartement joliment décoré où Léa se sentait si bien. Elle s’avance un peu plus, pousse la lourde porte de fer, dont la vitre a été brisée et pénètre dans le bâtiment dévasté. La sonnette au bruit caractéristique, annonçant un visiteur, était arrachée. La porte pendait sur ses gonds. Celles des voisins également. L’intérieur de l’appartement est encore plus désespérant à voir. Il est entièrement vide. Le papier peint humide se décolle par plaques des murs moisis. La peinture du plafond s’écaille. Le robinet de la cuisine coule.

 

A y regarder mieux, Léa se dit que sa grand-mère a du être la dernière occupante de l’appartement, qu’il n’a pas du être reloué après son décès, car le papier peint fleuri du living est celui dont elle se rappelle. Le lustre orange et blanc qu’elle avait toujours connu pend toujours au plafond. Il est rouillé, mais c’est bien le même.

 

Un rayon de soleil vient éclairer cette désolation. Grâce à lui, Léa aperçoit quelque chose qui reflète la lumière, au fond, à droite, près de la porte de la salle de bains. La jeune femme s’approche et se baisse pour y regarder de plus près. C’est une photo. Une photo oubliée depuis douze ans, sans doute tombée d’une caisse lors du déménagement. Elle représente sa grand-mère, jeune, entourée de sa fille, la mère de Léa et de son fils, l’oncle de la jeune femme. Derrière, le mari de sa grand-mère, que Léa n’a jamais pu appeler son grand-père car elle ne l’a jamais connu, sourit en regardant sa famille. Sa famille heureuse. Léa serre la photo contre son cœur.

 

C’est trop pour elle. Elle s’effondre à terre, la photo dans ses mains, sanglotant éperdument. Mais pourquoi ? Pourquoi sa vie a-t-elle tourné aussi mal ? Pourquoi n’a-t-elle pas eu droit à une vie normale comme tant d’autres femmes? Qu’a-t-elle fait de mal ? A qui a-t-elle fait du mal ?

 

Combien de temps Léa est-elle restée envahie par la douleur ? Elle l’ignore, mais ce dont elle est certaine c’est qu’elle a fini par s’endormir, à même le sol humide, la photo de ses grands parents serrée contre son cœur.

 

Il fait noir dehors. Elle a donc dormi toute la journée. Comment est-ce possible ? Plus personne ne vient-il donc dans ce quartier devenu maudit ? Faut-il qu’elle soit fatiguée pour s’être endormie à un moment aussi crucial. C’est bien digne d’elle ça ! Elle rate vraiment tout ce qu’elle entreprend… même son départ !

 

Léa se demande si ses enfants se sont inquiétés pour elle tout au long de la journée. Michel certainement pas. Il se moque bien de ce qui peut lui arriver. Non qu’il soit totalement dépourvu de sentiments. Mis à part son travers, il n’aurait jamais fait volontairement du mal à qui que ce soit. Du bien non plus d’ailleurs. Michel n’aime que lui en réalité. Il n’a pas fallu longtemps à Léa pour s’en apercevoir…

 

 

 

Léa se relève, la photo du couple formé par ses grands-parents accompagné de leurs enfants toujours dans sa main. Dans le noir elle ne voit pas grand-chose, mais elle connaît bien les lieux. Même si cela fait longtemps qu’elle n’est plus venue, la jeune femme se repère instinctivement. Elle sort de ce qui a été l’appartement de sa grand-mère, de ce qui représentait un havre de paix lorsqu’elle était enfant, puis adolescente.

 

Une fois dans le hall d’entrée, elle se dirige plus ou moins à tâtons vers l’escalier qui monte aux étages supérieurs de l’immeuble. Elle monte jusqu’au dernier étage. Elle se rappelle que sur la droite, au fond du couloir se trouve l’appartement d’une vieille dame, amie de sa grand-mère à qui cette dernière montait souvent rendre visite. Le fils de cette dame est mort d’un cancer alors qu’il n’avait pas cinquante ans. La pauvre vieille a fini par dépérir de chagrin, n’essayant de rester en vie que parce qu’elle savait que sa petite fille avait fait un mauvais mariage et que ses arrières-petits enfants manquaient de tout.

 

Léa pousse la porte de l’appartement. Elle est ouverte. Le living de cet appartement donne sur les allées de la Cité et de ce fait est mieux éclairé que celui de sa grand-mère qui se trouve au rez-de-chaussée et donne sur ce qui était jadis une pelouse où jouaient les jeunes.

 

Berthe. Elle s’appelait Berthe. Se rappelle Léa, se remémorant la petite vieille toute triste, toujours habillée de noir depuis le décès de son fils.

 

Léa remarque que les meubles de Berthe sont toujours dans l’appartement.

 

Elle se dirige vers la fenêtre, fouille dans son sac à dos à la lueur du réverbère et en sort la photo de ses enfants.

 

-Je vous aime. Murmure-t-elle. Je ne crois pas que je vous manquerai, mais je vous aime plus que ma vie.

 

Les deux photos dans sa main, Léa remet son sac. Elle ouvre la fenêtre. Un petit vent frais pénètre dans la pièce, chassant les relents d’humidité de l’appartement. Elle grimpe sur la tablette de la fenêtre et sans la moindre hésitation, plonge dans le vide.

 

Les deux photos qu’elle tenait en main volètent tout doucement, au gré du vent, puis retombent à côté du corps disloqué de Léa.

 

 

 

 

 

Les jeux sont faits.

Publié le 03/10/2014 à 23:26 par severinegriebaum Tags : enfants

 

 

 

 

 

 

 

 

« Les adultes et les enfants vivent dans des mondes parallèles. Mais il peut arriver que ces parallèles se rejoignent et que des adultes, eux-aussi, comme des enfants, jouent à faire semblant… »