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Par Séverine Sileig, le 20.10.2014
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Par Maïté, le 20.10.2014
sublime poème d'amour
Par Maïté, le 20.10.2014
superbes paroles, superbe chanson
Par Maïté, le 20.10.2014
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Par Maïté, le 20.10.2014
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Date de création : 05.06.2014
Dernière mise à jour :
07.11.2014
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La colère de Vonnick.
Le bulletin suivant était nettement moins bon, alors que celui de Justin restait toujours constant : sans figurer parmi les premiers de classe, car il n’en voyait pas l’utilité, Justin obtenait toujours une moyenne des plus honorables, et cela sans se tuer au travail. Il avait expliqué à Kilian qu’il écoutait les explications du prof en classe, que le soir il relisait ses notes de la journée avant de faire ses devoirs et ses leçons. De même que la veille du cours, il relisait une nouvelle fois ses notes, ainsi, lors de l’examen, Justin avait nettement moins de travail à fournir pour emmagasiner un cours qu’il connaissait déjà bien!
Mais malheureusement, cette manière d’agir demandait une discipline personnelle que Kilian ne possédait pas ! Il était en admiration devant Justin qui faisait ses devoirs et leçons à peine rentré de l’école, sans que ses parents n’aient à lui hurler dessus pendant deux heures, et qu’en plus de cela il en faisait plus que ce qu’on lui demandait !
Mais le problème de Kilian ne se situait pas vraiment au niveau de l’écoute. Kilian, s’il excellait dans les matières comme la mécanique et autres cours pratiques, était en revanche absolument nul en Français, en math et dans tous les autres cours généraux ! En réalité, Kilian ne savait pratiquement ni lire ni écrire, et encore moins calculer ! Le jeune garçon parvenait juste à déchiffrer, et encore ! Lorsqu’il était avec Justin, il s’arrangeait toujours pour lui demander à lui de lire le mode d’emploi de tel ou tel jeu ou de tel ou tel appareil!
C’était la raison pour laquelle le jeune garçon avait été envoyé dans l’enseignement spécial dès le CM1 : la directrice de l’école primaire qu’il fréquentait alors s’était alarmée en constatant, qu’à dix ans, après avoir redoublé le CP et être en passe de redoubler son CM1, l’enfant ne savait toujours pas lire ni écrire.
L’enseignement spécial n’avait pas servi à grand chose, si ce n’est à démontrer que la directrice et les enseignants avaient raison : Kilian ne savait ni lire, ni écrire, ni calculer…
Pendant quelques années, il avait été scolarisé dans cette école où les élèves étaient répartis par groupe, selon leurs forces et leurs faiblesses, et non plus par classes. Il avait été suivi par une psychologue, une assistante sociale, une orthophoniste, etc., mais n’ayant pas l’envie d’apprendre et ayant déjà des mauvaises fréquentations, cela n’avait servi strictement à rien ! D’autant plus que cette école regorgeait de mauvais exemples : tous les enfants à problèmes de la Cité, tous ceux dont les parents ne s’occupaient pas, tous ceux que leurs parents jetaient le matin à la rue avec un quignon de pain et l’ordre de trouver un copain chez qui manger car le frigo était vide, et de ne pas revenir avant au moins dix neuf heures, car le père était de mauvaise humeur, étaient immanquablement envoyés dans cette école poubelle, qui les marginalisait encore plus en les traitant comme des attardés, des rebuts de la société, alors qu’il s’agissait au départ d’enfants normalement intelligents, aussi capables que les autres, mais ayant «décroché » par manque d’affection, de fermeté, de discipline, ou simplement par paresse…
La presque totalité de ces enfants avait rapidement mal tourné ! A peine en âge de fin d’école primaire, la majorité d’entre eux étaient déjà confrontés à la police, ou au juge de la jeunesse pour vol, dégradations et autres… Ils fumaient, à peine âgés de dix ans. Résultat : la bande formée dans le quartier, s’était reformée à l’école, à l’école que désertaient très rapidement les enfants ayant de réels problèmes et dont l’état nécessitait la scolarisation dans un établissement d’enseignement spécial, mais enfants de parents «normaux » !
A treize ans, Kilian avait reçu le feu vert pour entrer en sixième, mais à peine la rentrée des classes fut elle terminée, que le cauchemar lui tombait dessus en la personne du commissaire Schuller qui venait l’arrêter!
D’accord, il n’avait pas fait grand chose d’autre que sécher les cours pendant ce mois d’école, mais qu’avait il fait d’autre au centre, où il avait du tant bien que mal poursuivre sa 6ème dans un collège poubelle ? Première accueil qu’il avait ratée, tant à cause du traumatisme subi dans ce centre, qu’à cause de ses sérieuses lacunes dans les branches principales!
Ensuite, on l’avait fait passer en professionnelle, sans qu’il n’en sache plus que lorsqu’il avait terminé et échoué sa 6ème, et maintenant, on lui reprochait de n’être pas au niveau de Justin !
Et encore, il avait fourni un effort surhumain pour obtenir de bons résultats au premier bulletin, mais au lieu de le féliciter ses parents n’avaient rien trouvé de mieux à faire que de le comparer à son meilleur ami en affirmant qu’il ne lui arrivait pas à la cheville !
Aussi pour le second trimestre avait il baissé les bras, totalement découragé par ses parents d’une part et par les problèmes insurmontables qu’il rencontrait d’autre part. Seul Justin essayait de lui faire prendre confiance en lui et l’encourageait, mais Kilian ne voulait pas de ses encouragements ! Comment Justin pouvait-il en étant lui même bon élève en générale, encourager et respecter un garçon de son âge qui incapable de lire, d’écrire ou de calculer, avait été relégué en professionnelle ? Aussi Kilian se dépréciait-il de plus en plus ! Si encore sa mère avait accepté de le faire revenir à la maison et de lui faire confiance tant sur le plan scolaire que sur le plan de la délinquance ! Mais non ! Elle lui refusait cette confiance dont il ressentait de plus en plus le besoin ! Alors à quoi bon ? A quoi bon les discours qu’elle tenait à la juge pour faire bonne figure, pour tenter de le faire passer pour un garçon ayant compris la leçon, alors qu’elle n’y croyait pas elle même, ou qu’elle ne voulait pas y croire… A quoi bon étudier et obtenir de bons résultats si c’était pour être indéfiniment comparé à son désavantage à un garçon qu’il n’égalerait jamais ! Justin ne serait pas mécanicien lui, il ne se salirait certainement pas les mains à cela ! Justin rêvait de devenir policier, mais Justin ne serait certainement pas un simple flic, Justin deviendrait certainement commissaire ! Et lui, Kilian Magouero, serait l’éternel second, un petit mécano pouilleux et minable, ex délinquant et peut être futur, qui sait ? De toutes manières une fréquentation indigne de Justin ! Un ami d’enfance qu’il rayerait probablement très vite de ses fréquentations et de ses souvenirs.
Mais si le second trimestre avait été lamentable, le troisième fut carrément épouvantable ! Pas un point au dessus de 9 ! Et encore, le 9, c’était en mécanique, sa branche préférée ! Quant au 4ème et aux examens, mieux valait encore ne pas en parler ! Kilian n’avait inscrit aucune réponse sur ses feuilles d’examen, résultat : il redoublait une fois de plus son année et se retrouverait l’année prochaine à quinze ans en sixième, alors que son ami lui passait allègrement en seconde, sans le moindre petit examen de passage !
Vonnick était folle de rage.
- Et tu espérais que je te fasse confiance ? Tu t’imaginais que j’allais te laisser revenir à la maison et aller à l’école de Justin ? Non mais tu rêves tout éveillé mon grand ! Tu n’as pas fait le moindre effort, tu as échoué une fois de plus, tu resteras à l’internat jusqu’à tes dix-huit ans ! Tu ne fais pas d’effort, moi non plus, je regrette ! D’ailleurs tu ne resteras pas à la maison pendant les vacances, tu retourneras à l’internat qui organise des activités pendant les congés ! Tu n’avais qu’à étudier !
Kilian était consterné ! Étudier ! Elle en avait de bonnes sa mère ! Comment étudier en ne comprenant même pas ce qu’il était écrit sur la feuille que l’on avait devant soi ? Comment réussir un examen de math en étant encore au stade où l’on comptait sur les doigts et en ne connaissant pas ses tables de multiplication ? Bien sûr, il était responsable en partie car il avait baissé les bras, découragé par les constantes comparaisons avec Justin que faisait sa mère, mais il n’allait pas le lui avouer, de toutes manières elle n’y croirait pas, ou plutôt ne voudrait pas y croire et deviendrait encore plus hystérique par peur que Kilian n’explique cela à son avocate, au délégué judiciaire chargé de le surveiller ou pire, à la juge elle même ! Alors il avait préféré inventer une histoire pour sa mère et pour tout le monde : il avait raconté qu’il avait raté son année en exprès parce qu’il avait peur du prof de mécanique qu’il aurait eu s’il était passé ! C’était un prof terrible, qui détestait Kilian et qui n’hésitait pas à lever la main sur les élèves, et le jeune garçon prétendit n’avoir aucune envie de se retrouver dans sa classe. C’était mieux, cela passait mieux aussi que s’il avait expliqué le début de jalousie qu’il ressentait envers son meilleur ami par la faute de sa mère, ou que, faute de moyens et de personnel, l’étude dirigée prévue à l’internat n’existait pas plus que les séances chez la psychologue, l'orthophoniste ou l’assistante sociale…
Jalousie.
Kilian en avait assez de son internat, dans lequel il vivait pratiquement le même cauchemar que dans le centre fermé.
Le jeune garçon aurait fait n’importe quoi pour rentrer chez lui et recommencer à mener la vie qui était la sienne avant cette catastrophe qui avait tout bouleversé.
Il avait expliqué à sa mère ce qui se passait à l’internat, mais la réponse de Vonnick avait été toute autre que celle à laquelle le jeune garçon s’attendait.
- Surtout, ne raconte pas à la juge Le Gouriec ce qui se passe à l’internat ! Tant qu’on ne te fait rien subir à toi, laisse tomber, ne t’en mêle surtout pas…
Si Kilian avait espéré que ses explications convaincraient enfin sa mère de le sortir de là et de le laisser rentrer chez lui, il en fut pour ses frais…
- Quoiqu’il en soit tu termineras tes études là et tu y resteras jusqu’à tes dix huit ans ! Et ne t’avise pas de faire une bêtise ou je demande à la juge qu’elle t’interdise de rentrer le week end…
Kilian n’en pouvait plus. Il faisait des efforts surhumains pour essayer de réussir en classe, malgré ses nombreuses lacunes il avait eu un très beau bulletin de première période, mais au lieu de le féliciter, sa mère n’avait rien trouvé de mieux à faire que d’une fois de plus le comparer à son ami Justin : « Lui, il a quatorze ans et est en troisième générale, l’année dans laquelle il doit être, toi, tu as le même âge et tu es en professionnelle, après avoir raté ta sixième deux fois ! Tu n’as vraiment pas de quoi être fier, moi à ta place j’irais cacher ce bulletin en dessous de mon lit… »
Justin ! Justin ! Toujours Justin ! C’était lui le meilleur, le plus beau, le plus intelligent ! Celui que toutes les mères du quartier aimeraient avoir pour fils, celui avec qui les adultes parlaient d’égal à égal, car il savait s’exprimer, il avait de la culture générale ! Celui que l’on s’arrachait pour l’avoir dans son équipe au « Trivial Poursuit » ! Celui qu’on attendait pour réparer l’un ou l’autre problème à son ordinateur : Justin était devenu le réparateur et le configurateur attitré de tout le quartier, grâce à ses connaissances en informatique…
Kilian ne pouvait s’empêcher de ressentir de la jalousie à l’égard de Justin qui était tellement doué en tout, et pourtant il s’en voulait à lui même de ressentir ce genre de sentiments vis à vis de son meilleur ami. A certains moments, il ressentait presque de la haine à son égard ! Pourtant, c’était injuste, le jeune garçon le savait, mais à force de se voir comparé à son désavantage à lui, il finissait par ne plus pouvoir s’en empêcher. Sa mère, Vonnick, ne jurait plus que par lui et ne cessait de répéter à qui voulait l’entendre que puisque la mère de Justin aimait tellement son fils Kilian, elle n’avait qu’à consentir à faire l’échange : elle prendrait Kilian et Vonnick accueillerait avec joie Justin. Son père, François, n’adressait même plus la parole à Kilian et en revanche passait des heures et des heures à discuter avec Justin, tant de sa vie, de ses goûts et aspirations, de son avenir et de ses études, que de ses propres souvenirs d’enfance à lui, souvenirs qu’il n’avait jamais raconté à son propre fils…
Le procès.
La grande affaire de Vonnick, c’était le procès de Kilian. Procès qui aurait normalement du avoir lieu en mai, mais qui avait été remis nombre de fois par l’avocat de la partie adverse ayant à chaque fois invoqué son manque de temps et son impossibilité à consulter le dossier, ainsi que la difficulté de ses clients à consulter le dossier à cause des horaires de travail de la mère.
La mère de Meghann réclamait l’enfermement de Kilian jusqu’à sa majorité et 75000 euros de dommages et intérêts pour le viol de sa fille, prétendant que les faits et l’enquête démontraient qu’il y avait bien eu viol.
Vonnick, ayant contracté une assurance familiale qui la couvrait pour les dégâts commis par un de ses enfants à d’autres personnes, avait eu une réunion avec son avocat, l’avocate de son fils et celui de la compagnie d’assurance, qui en ce qui avait déclaré qu’il pouvait tout au plus y avoir eu «atteinte à la pudeur» et que cela ne méritait pas plus de mille deux cent cinquante euros de dommages et intérêts.
Quant à la juge, si elle continuait encore à intimer à Kilian d’éviter ses petits voisins, elle ne le traitait décidément plus comme un coupable, à la grande déception du commissaire Martin Schuller, qui, visiblement aurait bien aimé lui imputer tous les délits commis par les petites crapules du quartier…
Cela avait commencé par un feu de poubelles que le policier avait essayé de faire imputer au jeune garçon, en le convoquant « à tout hasard, au cas où il aurait eu des informations sur le sujet, étant donné ses mauvaises fréquentations… » Puis cela avait été une vitre brisée qu’une collègue du commissaire lui avait imputé, en lui intimant de « faire attention, car il était placé et il n’avait vraiment pas besoin de cela en plus pour compléter son dossier…»
Pourtant, Kilian n’était en rien coupable de ces faits. Il ne fréquentait plus ses anciens copains qu’il avait délaissé au profit de Justin avec qui il passait ses journées à jouer à l’ordinateur et à apprendre l’informatique avec l’oncle de son ami qui était programmeur dans une banque, à patiner en hiver ou à nager en été, à moins que les deux garçons ne se rendent au cinéma ou n’accompagnent les parents de Kilian au parc d’attractions.
De temps en temps, ils rencontraient Orlando ou Tanguy, ou encore Sullivan, mais comment faire autrement puisque l’un habitait juste à côté de chez lui et les deux autres en face et derrière le coin ?
De temps en temps, les garçons se parlaient, principalement le soir en attendant le souper, mais pas longtemps car Justin n’appréciait pas la compagnie de ces garçons qu’il jugeait peu intéressants : « Ils s’habillent tous de la même manière, avec le même survêtement Tacchini, et les mêmes baskets Nike, troués et usés jusqu’à la corde, pour faire croire qu’ils sont assez riches pour se payer des fringues de marques ! Il n’y en a pas un qui soit capable de sortir une phrase convenable et quand tu leur parles, tu dois leur traduire la conversation dans leur langage pour qu’ils te comprennent ! Tout ce qui les intéresse dans la vie c’est d’insulter les vieilles dames qui passent, de lancer des mottes de terre, de casser des essuie-glaces et de faire flamber des poubelles ou des bagnoles… »
Kilian avait du convenir que son ami avait raison et songeait à part lui, qu’il n’était pas très intelligent non plus, puisque lui même avait eu ce genre d’amusement auparavant… Mais il se garda bien de faire part de ses cogitations à son ami.
Pourtant, malgré cela, il lui arrivait, même en présence de Justin, de croiser sa voisine, Nolwenn, la mère de Meghann. Cette dernière continuait à l’injurier, à le provoquer et à l’accuser de tous les péchés du monde, tout en ne se gênant nullement pour insulter Vonnick et François, le tout devant Justin éberlué tant devant cette débauche d’insultes et de violence latente, que devant l’inertie de Vonnick qui se laissait ainsi insulter par cette pimbêche…
Si la première fois Justin était tellement abasourdi qu’il n’intervint pas, la seconde en revanche, il pria poliment mais fermement Nolwenn de garder ses insultes pour elle et de cesser d’insulter la mère de son ami ainsi que de cesser de prétendre interdire à Kilian de se promener dans la cour…
Immédiatement la furie dirigea sa colère contre lui.
- Espèce de gamin de merde, de quoi je me mêle ? Occupe-toi de tes affaires ou je te t’en colle une… Le tout en menaçant Justin d’une gifle. Mais ce dernier n’était pas d’humeur à se laisser faire et repoussa violemment Nolwenn contre le mur.
Nolwenn surprise par la résistance autant que par la répartie du garçon, pris ses deux enfants par la main et rentra chez elle sans demander son reste.
Néanmoins, Kilian n’en n’avait pas encore fini avec elle : à plusieurs reprises également, la police se présenta chez ses parents. Un après midi, rien moins que six voitures se déplacèrent, parce que Nolwenn avait prétendu que Kilian reluquait sa fille Meghann et que cette dernière n’était pas en sécurité en jouant devant la maison, qu’il fallait à tout prix faire à nouveau enfermer Kilian dans un centre en lui interdisant de rentrer le week end, et lui interdire de passer par la cour…
La police ne s’était pas vraiment montrée cordiale avec Kilian et ses parents à chacune de ces rencontres. L’un des policiers avait même conseillé à Vonnick de faire suivre une thérapie à son fils, car il avait vraisemblablement de gros problèmes d’ordre sexuel, et un autre avait promis au jeune garçon de « l’avoir », le tout devant Justin scandalisé par une telle attitude de la part des policiers.
Bref, tout n’allait pas pour le mieux et Vonnick attendait avec impatience le procès qui calmerait peut être les choses, surtout si Kilian était déclaré innocent. Ce dont Vonnick doutait un peu, étant donné les affirmations mensongères de Schuller et les mensonges de Kilian au début de l’affaire, mensonges destinés à pousser les adultes à s’intéresser un peu plus à lui, mais qui lui avaient beaucoup desservi…
Pourtant, malgré cela la juge avait fortement changé d’attitude envers Kilian. Elle continuait bien à affirmer qu’il n’était « pas structuré » et à le mettre sérieusement en demeure d’éviter toute rencontre avec ses deux petits voisins, mais du moins ne le traitait elle plus comme un malade sexuel, un futur pédophile en puissance, et surtout, elle ne les considérait plus, elle et François comme deux pervers, parents indignes de surcroît !
Nolwenn prétendait attendre également ce procès avec beaucoup d’impatience, et annonçait à qui voulait l’entendre dans le quartier qu’elle allait s’acheter une maison avec les dommages et intérêts que lui paierait la famille de Kilian pour le viol de sa fille.
Malheureusement, le temps qui passait achevait de détruire les relations entre la famille de Kilian et celle de Nolwenn.
Un cauchemar au quotidien.
Kilian vivait ce cauchemar au quotidien sans avoir qui que ce soit à qui le raconter. Lorsqu’il rentrait en week end le vendredi soir, il se rendait bien compte qu’il dérangeait, qu’il ne fût plus tout à fait chez lui, que sa famille s’était très bien habituée à la vie sans lui.
Dès l’entrée, sa mère se mettait à hurler.
- Ne laisse pas traîner ton sac ! Range tes affaires ! Apporte-moi ton linge sale !
S’il avait le malheur de demander la permission de sortir, de prendre un peu d’argent, sa mère lui tombait dessus.
- Ah tu ne vas pas recommencer hein ! Si tu ne me fiches pas la paix je m’arrange avec la juge ou l’assistante sociale pour que tu restes à l’internat le week end également !
Que répondre à cela ?
Se fâcher ? Répondre ? C’était pire encore ! Mieux valait encore se taire et encaisser. Heureusement qu’il y avait Justin.
Justin que sa mère appréciait car il remettait son fils sur les rails !
Justin était pour Vonnick le fils parfait : bien élevé, bien habillé, bien éduqué, rendant volontiers service. C’était lui qu’elle aurait du avoir pour fils ! Elle chantait tellement les louanges de Justin que Kilian en devenait même un peu jaloux!
Tout le monde aimait Justin, il trouvait sa place partout ! La plupart des gens qui connaissaient Kilian, ne l’aimaient pas : il était turbulent, sans gêne, il fumait, ne trouvait jamais grand chose d’intelligent à raconter et ne cherchait qu’une chose, attirer l’attention sur lui, pour montrer qu’il existait. Mais lorsque Kilian avait présenté Justin à ces gens là, tous avaient immédiatement étés conquis ! En moins de temps qu’il ne fallait pour le dire, Justin était devenu leur ami et avait acquit droit de cité chez eux, alors que Kilian était juste toléré.
Le pire avait été quand Kilian avait présenté son ami à la meilleure amie de sa mère : Sandrine. Sandrine avait le plus affreux caractère que l’on puisse trouver. Ses gueulantes étaient célèbres dans tout le quartier. Ses cinq enfants étaient menés à la baguette car elle ne plaisantait pas avec la discipline. Elle se fâchait pour tout et pour rien et ne supportait pas Kilian, qu’elle laissait néanmoins entrer chez elle par égard pour sa mère.
Sandrine, qu’il surnommait intérieurement Cruella, avait immédiatement été conquise par Justin. Elle ne jurait plus que par lui, faisant clairement ressentir à Kilian et à sa mère la différence entre les deux garçons. Cela Kilian avait dur à l’avaler, car Sandrine ne cessait de remonter sa mère contre lui, lui conseillant de laisser Kilian à l’internat et de se consacrer à ses deux autres enfants qui étaient encoresauvables…
A l’internat.
Kilian fut contraint et forcé d’aller dans cet internat que par avance il détestait. Par acquit de conscience envers sa mère et pour s’en tenir à la promesse qu’il avait faite à Justin, il continua à faire des efforts en matière de comportement et s’appliqua à essayer de supporter la vie à l’internat, et même il essaya d’aimer l’internat et de se faire des amis.
Malheureusement, l’internat que sa mère s’était appliquée à lui présenter comme un paradis pour jeunes garçons difficiles, se révéla être le même genre d’établissement que le centre d’éducation surveillée, à la seule différence que l’on y allait plus ou moins librement, à savoir, contraint par les parents sans doute, mais sans décision de justice.
Comme Justin l’avait prévu, le « suivi » psychosocial n’existait en réalité que sur les fascicules destinés à présenter l’internat aux parents. Il y avait bien une assistante sociale et un psychologue, mais ceux ci avaient bien trop de travail pour recevoir les élèves au moins une fois par semaine afin d’évoquer leurs problèmes personnels, scolaires, sociaux ou judiciaires, comme il était indiqué dans le projet d’établissement. Il y avait également une logopède, mais celle ci était attitrée à plusieurs établissements à la fois, ce qui fait qu’elle se contentait de lire les dossiers des élèves et d’affirmer pour chacun que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes : «S’il ne réussit pas c’est qu’il ne fait pas d’efforts ! Il n’a aucun problème majeur… » Avait-elle coutume de répéter aux parents d’élèves.
Quant à l’étude dirigée, prévue par l’internat pour suppléer à celle de l’établissement scolaire ou les pensionnaires suivaient leurs cours, c’était simple : un éducateur surveillait les élèves pendant qu’ils faisaient leurs devoirs et leurs leçons pendant une heure, et ensuite les envoyait dans leur chambre pour continuer seuls !
C’était pareil en ce qui concernait la nourriture : elle était exécrable, la viande était de la semelle. De plus, au début de l’année scolaire les élèves recevaient de la limonade ou d’autres boissons fraîches, mais cet état de choses avait rapidement changé : la limonade avait été remplacée par de l’eau de source, puis, celle-ci avait été remplacée par de l’eau du robinet ! Tandis que durant la journée si les élèves souhaitaient boire, ils ne pouvaient se désaltérer qu’aux robinets des WC!
Les pneus des camionnettes destinés à amener les élèves dans l’établissement où ils étaient scolarisés étaient pratiquement lisses. Lorsque le directeur était averti de ce qu’un contrôle allait être effectué par un inspecteur de l’État, il faisait immédiatement changer les pneus des camionnettes par les élèves, et lorsque l’inspecteur était passé, les pneus étaient à nouveau intervertis !
Quant aux prétendues activités du mercredi après midi ou des jours de congé, c’était une nouvelle fois du bluff pour les parents, afin que ceux-ci ne se sentent pas coupables de laisser leurs enfants dans un internat ! Ils s’amusaient beaucoup mieux qu’à la maison après les cours et au moins ils ne traînaient pas les rues et n’avaient pas de mauvaises fréquentations, puisque toutes les activités étaient dirigées par un ou plusieurs éducateurs. C’était du moins ce qu’imaginaient les parents.
En réalité, l’agressivité et la violence y régnaient en maîtresses. Comme dans le centre d’éducation surveillé, ce n’était que bagarres, à poings nus, au couteau ou avec les outils mis à disposition des élèves à l’atelier, racket, méchancetés, agressivité et toutes autres formes de violences quotidiennes…
Plusieurs élèves blessés avaient dû être admis à l’hôpital après de sérieuses bagarres à l’internat ou à l’atelier. Un adolescent s’était fait écraser par un bus scolaire suite à l’inattention des éducateurs. Les profs frappaient ou n’hésitaient pas à secouer les élèves. Il n’y avait pas vraiment de différence majeure entre le centre et l’internat!
Pas un seul des élèves qui n’était suivi par un conseiller d’aide à la jeunesse ou un juge pour enfants ! La plupart d’entre eux avaient également fait un ou plusieurs séjours dans un centre d’éducation surveillée et avaient été dirigés dans cet internat pour libérer de la place dans le centre qui devait accueillir des jeunes ayant commis de plus graves délits qu’eux ! La plupart d’entre eux étaient ou allaient passer en procès pour l’un ou l’autre acte illégal commis quelques temps plus tôt.
Mais ce n’était pas tout.
Le pire était le fait que des sévices sexuels aient cours dans l’établissement, tout comme dans le centre. Un petit garçon de six ans pensionnaire à l’internat avait été obligé de toucher le sexe d’un de ses condisciples âgé d’une douzaine d’années. Les éducateurs bien qu’étant au courant n’avaient rien fait pour leur venir en aide. C’étaient les élèves plus âgés qui avaient du s’unir pour protéger le petit…
Un viol également avait eu lieu entre deux garçons et là encore, personne n’était intervenu. Le violeur avait été renvoyé de l’établissement mais la police n’avait pas été mêlée à l’affaire, ce qui avait été aisé à obtenir, le directeur de l’internat n’étant autre que le maire de la localité.
Vacances.
De retour à la maison après ses vacances en Ardèche, Kilian connut enfin une relative paix de l’esprit : plus jamais il ne reverrait les responsables, les éducateurs, ou les pensionnaires du centre d’éducation surveillée ! Cette période de sa vie était révolue à jamais ! Il n’allait pas jusqu’à penser qu’il était à nouveau enfin libre, mais presque ! Restait cet internat dans lequel il n’avait pas envie de mettre les pieds, et encore moins maintenant qu’il avait fait la connaissance de Justin et d’Émilie, mais ce ne pouvait pas être pire que le centre.
Il courut immédiatement chez Justin où il fut chaleureusement accueilli par toute la famille y compris le chien et le chat, comme d’habitude.
Le reste des vacances se passa en compagnie de son ami. Pour faire plaisir à sa mère, il avait rompu toute relation avec Émilie à laquelle il n’adressait plus jamais la parole, ou si peu. Pourtant agir ainsi lui crevait le cœur. La fillette était désespérée, il le sentait. Lui aussi était désespéré, non seulement il était réellement accro de cette petite, mais pour la première fois qu’il se sentait aimé et accepté, il fallait encore qu’il gâche tout cela pour sa mère et sans même comprendre pourquoi.
Il en avait assez de sa mère. Elle lui pourrissait l’existence. Au plus il devenait gentil, correct, prévenant, au plus il faisait des efforts, au plus elle devenait agressive et le rejetait. Elle était plus gentille avant lorsqu’il était intenable, qu’il séchait les cours, volait, incendiait que maintenant qu’il faisait des efforts pour devenir quelqu’un de bien ! Pire encore, elle semblait ne même pas s’apercevoir du changement survenu en lui depuis son placement, ni des efforts qu’il faisait pour devenir quelqu’un de bien… Lorsqu’il était intenable, elle l’aurait supplié de ne pas faire de bêtises et l’aurait récompensé pour un rien, alors que maintenant qu’il ne faisait plus rien, non seulement elle trouvait cela tout à fait naturel, mais estimait également qu’il n’en faisait pas assez !
Kilian essayait souvent de lancer la conversation sur le thème de l’internat, mais Vonnick ne voulait rien entendre. «Je croyais que tu étais content d’y aller ? L’autre jour tu m’as expliqué que tu avais envie d’apprendre la mécanique et de faire les activités du mercredi et aujourd’hui tout à coup, tu n’as plus envie… Tu vois bien que tu n’es pas structuré, que tu manques de maturité ! Tu te contredis sans arrêt. »
Kilian soupira, une fois de plus, il avait essayé de lui expliquer qu’en réalité il n’avait jamais eu envie d’y aller, qu’il n’essayait que de s’en convaincre pour lui faire plaisir à elle, et qu’il attendait le bon moment pour lui expliquer sa véritable envie : aller à l’école avec Justin ! Mais lorsqu’il osa s’y hasarder, sa mère fondit sur lui comme une furie.
- Aller à l’école avec Justin ! Mais il ne va pas en professionnelle, lui, et il a je ne sais combien d’années d’avance sur toi…
- Ce n’est pas lui qui est en avance, c’est moi qui suis en retard! Rétorqua Kilian. Justin est dans l’année dans laquelle il devrait être !
- Justement ! Comment veux-tu aller dans son école?
- Il y a une section professionnelle dans son école ! Tu sais il y a pas mal d’écoles qui ont les trois sections : générale, technique et professionnelle ! Il m’a dit qu’il y avait une section de mécanique automobile. On ne serait pas dans la même classe, c’est certain, mais on partirait ensemble tous les matins, je ne sécherais pas les cours puisqu’il serait avec moi ! Et le soir on aurait terminé ensemble, on reviendrait ensemble ! On ferait nos devoirs ensemble ! On serait ensemble à midi et aux récréations ! Ce serait génial ! Kilian vivait déjà son rêve.
- Non, c’est impossible ! Lança brutalement Vonnick.
- Mais enfin pourquoi ?
- Parce que Justin ne peut pas te surveiller sans arrêt, comme il n’est pas dans la même classe que toi, tu peux très bien t’enfuir dès qu’il aura tourné le dos…
- Mais enfin, où irais-je puisque je ne fréquente plus que lui ? Je ne vois plus les autres, tu le sais très bien. Pourquoi est-ce que je m’enfuirais ?
- Je n’ai pas confiance en toi ! Et puis le soir tu reviendrais ici, la vie redeviendrait insupportable comme avant, on aurait de nouveau des problèmes avec la voisine, des disputes sans arrêt ! Non, non, non! Je ne veux plus vivre ce cauchemar. Je ne veux pas en entendre parler, tu iras à l’internat, un point c’est tout !
- Mais enfin maman…
- J’ai dit non ! Et on ne revient pas là dessus, sans quoi je t’assure que je demande à la juge qu’elle te renvoie dans ton centre !
Vacances en Ardèche.
Les quinze jours de vacances en Ardèche représentèrent un cauchemar épouvantable et parurent à Kilian les jours les plus longs qu’il ait jamais vécus.
Les adolescents qui partaient étaient les pires de tout le centre, ceux dont les parents, tout comme les siens ne voulaient pas qu’ils rentrent à la maison durant ces mois de vacances pendant lesquels ils seraient par trop désœuvrés car ils risqueraient de faire des bêtises.
Comme au cours de l’année scolaire passée dans le centre, le jeune garçon fut en butte à leurs tracasseries, leurs sarcasmes, leurs coups et ne souffla que lorsque arriva enfin le jour du retour à la maison.
Chagrin d’amour.
Vonnick en était toujours à se poser des questions au sujet de la famille de Justin. Dans le quartier, les gens ne se posant pas de questions et n’ajoutant pas foi aux ragots étaient plutôt rares. A la limite cela devenait même suspect… Qui sait, peut être avaient-ils quelque chose à se reprocher eux-mêmes pour ne pas se permettre d’émettre leur opinion sur ce que l’on reprochait à Kilian ? Par manque d’habitude de fréquenter des gens normaux, Vonnick en venait à ne même pas s’imaginer qu’une telle rareté puisse exister. Sans compter la logique de la Cité qui voulait que tous ceux qui ne cherchaient pas la « petite bête » aux autres devaient forcément avoir quelque chose à cacher.
Quoi qu’il en fût, il fallait que Kilian cesse immédiatement son petit manège avec la jeune Émilie ! Cette relation ne pouvait pas continuer ! Cette gamine était beaucoup trop jeune pour lui. Beaucoup trop jeune pour avoir un petit ami et traîner dans la Cité ou dans les rues avec un garçon. Elle décida d’y mettre bon ordre.
Lorsque Kilian arriva avec sa petite amie en la tenant par la main, Vonnick se montra tellement odieuse, tellement pleine de sous-entendus, lui posant maintes questions d’ordre sexuel dont la petite fille ne comprit même pas le sens, qu’Émilie, dégoûtée décida de ne plus jamais remettre les pieds chez les parents de son ami.
Pourtant, sans Vonnick elle s’y serait sentie bien, le papa de Kilian était gentil, son petit frère également, et Émilie avait immédiatement sympathisé avec Janig la sœur de Kilian, qui était à peine plus âgée qu’elle.
Sans Vonnick tout aurait pu être parfait, songeait la petite fille. On aurait pu être amis tous les quatre et bien s’amuser !
- Qu’est ce qu’elle a à embêter tout le monde ? Demanda-t-elle à son grand frère.
- Je n’en sais rien ! Répondit ce dernier, assez embarrassé car il n’avait pas envie de raconter à sa petite sœur, bien trop jeune pour entendre ce genre d’histoires, ce qui était arrivé à son petit ami l’année précédente. Elle a sans doute ses petites affaires ! Cela lui passera ! Conclut-il en riant, aussitôt imité par sa sœur.
Mais il ne suffit pas à Vonnick de savoir que la petite Émilie ne viendrait plus chez elle, il fallait également que Kilian cesse cette relation ridicule avec une gamine bien plus jeune que lui, qui ne pourrait lui attirer que des ennuis ! Il fallait qu’il cesse de se balader avec elle dans le quartier et qu’il cesse d’être avec elle tout simplement.
Elle mit alors tout en œuvre pour dégoûter son fils de la petite fille, lui expliquant qu’elle n’allait lui attirer que des ennuis, qu’il risquait d’être à nouveau placé si la juge venait à apprendre qu’il débauchait une petite fille aussi jeune, et que même la petite fille pourrait être retirée à ses parents si la juge venait à avoir vent de leur relation et ne se décide à traiter le dossier…
Kilian en fut horrifié ! Sa petite Émilie dans un horrible centre comme celui dont il sortait ? Non, ce n’était pas possible ! Il ne pouvait pas laisser faire une chose pareille!
Alors quitte-là, rompt immédiatement toute relation avec elle si tu ne veux pas que cela arrive… Continua sa mère impitoyable.
- Oui, tu as sans doute raison, je n’irai plus chez Justin…
Aussitôt un signal d’alarme retentit dans le cerveau de Vonnick. Il fallait au contraire que son fils continuât à fréquenter Justin ! C’était l’ami idéal pour le remettre sur la bonne voie ! Il ne pouvait absolument pas perdre cet ami là ! Il pouvait les lâcher tous, sauf Justin ! Non, il n’y a pas de raisons à ce que tu cesses de voir Justin ! Il a une excellente influence sur toi ! Depuis que tu le connais tu ne traînes plus les rues, tu ne fréquentes plus du tout la bande, tu es toujours chez lui ! On ne te reconnaît plus depuis que tu as fait sa connaissance ! Cesse d’avoir des relations avec sa sœur mais reste son ami à lui.
- Mais c’est impossible ! Quand je vais chez Justin, Émilie est là, c’est chez elle aussi figure toi !
- Bien sûr que si c’est possible ! C’est tout à fait possible ! Tu n’as qu’à te montrer agressif, méchant envers elle et lui faire comprendre que tu n’as rien à voir avec une petite gamine comme elle ! Tu as d’autres filles en vue, bien plus âgées ! Elle comprendra et retournera jouer à la poupée…
- Mais ce n’est pas très gentil ! Je préfère encore ne plus la voir et ne plus aller chez Justin…
- Moi je veux que tu restes ami avec Justin, la juge Le Gouriec sera contente que tu ais un ami comme lui… Vonnick se garda bien de rajouter que c’était surtout elle qui était contente que son fils soit ami avec Justin qui somme toute effectuait son travail à elle en surveillant Kilian et en l’empêchant de « replonger » tout en lui expliquant comment il devait faire pour se conduire comme un adolescent normal.
Résigné, Kilian finit par obéir à sa mère, la mort dans l’âme et rompit brutalement toute relation avec Émilie, tout aussi triste que lui et qui ne comprit jamais pourquoi le garçon si gentil qu’elle avait rencontré, son premier amour, qui avait tout du prince charmant, s’était soudain mué en un parfait goujat !
Émilie et Kilian connurent leur premier et unique chagrin d’amour, simultanément, pour la même raison : la peur de Vonnick de perdre son procès.
Émilie.
Pendant les grandes vacances, au mois de juillet, Kilian fit la connaissance d’Émilie, une petite fille de onze ans dont par malheur il tomba éperdument amoureux.
Elle était jolie avec ses cheveux blond vénitiens aux reflets roux, dans lesquels se mélangeaient des mèches totalement blondes, ses grands yeux noirs, son petit visage au nez en trompette parsemé de taches de rousseur et sa jolie bouche toujours souriante…
Elle était jolie comme un cœur, mais aussi trop jeune pour lui qui venait d’avoir quatorze ans et qui était pointé du doigt par tout le quartier comme étant un violeur de petites filles ! D’autant plus qu’Émilie ne faisait pas du tout son âge, mais beaucoup moins !
Heureux de la connaître et de voir son amour partagé, Kilian enfin ne se sentait plus seul au monde et commit l’erreur de présenter la petite fille à sa mère qui aussitôt se mit à pousser de grands cris. Une gamine aussi jeune, est ce que tu n’es pas un peu malade ? Tu veux qu’on te traite encore de pédophile en te voyant traîner avec elle dans le quartier ? Tu veux que la voisine alerte la juge ? Tu veux tout bousiller pour le procès ? Laisses là tomber immédiatement !
Mais cela il ne le pouvait pas ! Pas Émilie, pas elle, il l’aimait bien trop pour cela !
Le jeune garçon fit également la connaissance des parents et des frères et sœurs de la petite fille et fut tout étonné qu’habitant le quartier ces gens n’avaient pas encore entendu parler de lui en mal ! Tout étonné aussi d’être reçu aimablement comme un membre de la famille, invité à souper, des brochettes grillées au barbecue sur la terrasse.
Jamais encore, même avant l’affaire, aucun parent, aucun adulte ne l’avaient traité comme le traitaient les parents de sa petite amie.
Le fait qu’il ait avoué aimer leur fille ne les avait pas choqué le moins du monde, au contraire, cela semblait même les amuser.
Kilian se sentait bien pour la première fois de sa vie, d’autant plus qu’Émilie avait un grand frère qui comme lui, venait d’avoir quatorze ans : Justin avec lequel il avait immédiatement sympathisé également. Comme lui Justin était passionné par l’informatique et possédait un ordinateur qu’il venait de recevoir pour son anniversaire et sur lequel les enfants s’amusèrent pendant toute la première soirée qu’ils passèrent ensemble.
Justin non plus ne connaissait pas Kilian et n’avait jamais entendu parler de lui, ni en bien ni en mal. Ce qui étonna le jeune garçon, car Justin était ami avec les trois frères Martin qui habitaient en face de chez lui : Johnny, Ryan et Bryan, les fils de Morgan, le voisin qui était intervenu au moment où Nolwenn s’en était prise à lui l’année dernière. Auparavant, les trois garçons étaient ses amis, mais au moment où Kilian avait été accusé de viol, Morgan avait interdit à ses fils d’encore le fréquenter. Il expliqua à Justin ce qu’il en était, et si le jeune garçon se montra choqué ce fut par l’attitude de la voisine et par le fait qu’il ait été placé ainsi, pratiquement sans qu’il puisse se défendre.
- Est ce que tu penses qu’il faudrait le dire à tes parents ? Je n’ai pas envie d’être malhonnête avec eux, ils sont tellement gentils avec moi, mais s’ils devaient apprendre ce que l’on dit de moi dans le quartier, ils pourraient ne plus avoir envie de m’accueillir, ils ne me feraient certainement plus confiance…
Justin eut un sourire. Ils savent déjà ! Une de tes voisines, voyant ma sœur se balader avec toi dans le quartier est venue sonner à la porte pour nous conseiller de l’empêcher de te fréquenter car tu aurais violé ta sœur…
- Ma sœur ? S’étonna Kilian.
- Oui, ta sœur ! Mais ne t’en fais pas, mes parents leur ont fait comprendre que les ragots de quartier ne les intéressaient pas, alors elle est partie, non sans essayer une dernière fois de les convaincre !
- Et qu’est ce que tes parents en pensent ?
- Ils ne pensent rien ! Mes parents ne jugent jamais les gens sur base des racontars de leurs voisins ! Ils connaissent le quartier, ils savent comment cela fonctionne ici dans la Cité ! Si quelqu’un ne t’aime pas, il est capable de raconter les pires horreurs à ton sujet, pour le simple plaisir de te faire du mal !
- Et ce que je t’ai expliqué, qu’en penses-tu ? Demanda Kilian inquiet.
- Je n’ai rien à penser, tu m’as fait une confidence, tu veux que nos parents et nous sachions à quoi nous en tenir sur toi, je trouve cela très franc et très honnête de ta part, je n’ai pas à juger. Tu n’étais pas obligé de me raconter cela, donc moi j’estime que si tu l’as fait c’est que tu dis la vérité!
- Alors cela veut dire que tu restes mon ami et que tes parents et ta sœur ne pensent pas du mal de moi ?
- Exactement ! Répondit le jeune garçon. Je ne te parlerai jamais de cette histoire, je n’ai pas à m’en mêler, mais cependant, si toi tu as besoin d’en parler ou si tu as besoin d’aide je serai là quand tu le souhaiteras et je ferai tout ce qu’il me sera possible de faire pour te venir en aide !
Kilian regarda son nouvel ami avec reconnaissance, il n’avait vraiment rien à voir avec les autres gamins du même âge du quartier ! Justin travaillait bien à l’école, il s’habillait proprement, il ne fumait pas, ne passait pas ses journées à traîner avec la bande, d’ailleurs en dehors de quelques uns avec qui il avait été sur les bancs de l’école primaire, il ne connaissait pas la bande, et n’avait jamais entendu parler d’Orlando et des autres crapules du quartier. Il n’était pas connu des services de police, au contraire, son rêve le plus cher était de devenir policier… Il ne passait pas ses nuits dans les garages à incendier les poubelles ou les voitures, il avait des loisirs sains, pratiquait le karaté, l’athlétisme, la natation, le roller l’été, le patinage à glace l’hiver, ainsi que le jogging. Il n’avait pas de mauvaises fréquentations, ne buvait pas d’alcool et pourtant, il était intéressant, et même amusant, car il avait un humour décapant ! Son voisin d’en dessous le traitait en riant d’intellectuel, mais ce n’était pas un intellectuel tel qu’on pouvait se l’imaginer, le genre premier de classe, ennuyeux et bêcheur ! Non, pas du tout, il n’hésitait pas à se moquer, à ironiser, à faire des blagues! Et pas prétentieux pour deux sous ! Le garçon que sa mère aurait aimé avoir pour fils…
Jamais Justin, sa sœur ou ses parents ne se permirent seulement une réflexion ou une question concernant l’affaire. Elle ne fut évoquée que lorsque Kilian l’évoquait, et lorsque Vonnick vint faire la connaissance des parents de Justin et d’Émilie. Ce fut à ce moment là que Justin et ses parents comprirent l’ampleur du désastre et dans quel pétrin se démenait le pauvre Kilian, qui n’avait décidément pas grand chose à attendre d’une mère hystérique n’ayant qu’une seule envie : retrouver la tranquillité qui était la sienne lorsque Kilian était placé, et d’un père malade du cœur et démissionnaire à souhait, malgré sa grande gentillesse. Mais que pouvaient ils faire sinon l’épauler de leur mieux et l’assurer qu’il serait toujours le bienvenu chez eux ?
Cet état de choses étonnait d’ailleurs Vonnick, qui se demandait pour quelle raison les parents de Justin n’ajoutaient pas foi aux ragots de quartier et acceptaient toujours Kilian chez eux en sachant de quoi il avait été accusé.
En effet, dans ce quartier populaire, les gens aimaient généralement à être mêlés à ce qu’ils imaginaient être un fait divers sordide, ne fut ce que pour avoir quelque chose à raconter au cours du repas du soir…
Harcèlement.
Chaque week end c’était pareil ! Lorsque Nolwenn n’agressait pas Kilian devant chez lui, prétendant lui interdire de se promener sur la petite place devant les immeubles et même de surveiller son petit frère qui roulait à vélo, elle l’insultait lorsqu’elle le rencontrait chez le libraire ou à l’épicerie. Le vent de folie qui s’était emparé du quartier au moment de l’affaire était à nouveau en train de s’enfler.
La Cité était à nouveau divisée : ceux qui croyaient ou avaient envie de croire que Kilian était un véritable pervers et qui soutenaient Nolwenn au point de s’être mis également à insulter les membres de la famille Magouero lorsqu’ils les rencontraient ou encore d’écrire des insultes infâmes sur leurs murs et portes, et les autres, qui n’avaient pas envie de s’en mêler ou plus rares encore, ceux qui soutenaient la famille Magouero.
Vonnick écumait de rage et ne cessait à la moindre occasion d’accuser son fils de ne lui causer que des problèmes ou de le menacer de le renvoyer au centre et de ne plus lui permettre de rentrer le week end, car cela ne pouvait pas continuer ainsi !
Pourtant, Kilian faisait des efforts, il ne sortait pas trop, se contentant de faire le tour du quartier à vélo, ne parlant que très peu à ses anciens amis, mais tout cela sa mère ne s’en apercevait même pas, tout à sa rage d’être sans cesse agressée par sa voisine.
Un jour, vers la fin de l’année scolaire, Vonnick lui expliqua que cela ne pouvait pas continuer ainsi pendant toutes les vacances. Elle aussi voulait en profiter et elle avait décidé de l’inscrire durant quinze jours au stage aventure organisé par le centre de Coat Saliou, en Ardèche. Ainsi ce serait déjà quinze jours de sauvés, quinze jours pendant lesquels Kilian ne serait pas à la maison et pendant lesquels sa voisine Nolwenn se calmerait un peu, car c’était sa présence à lui qui l’excitait, c’était d’ailleurs pour cela que Vonnick avait décidé d’envoyer son fils en internat…
Kilian regarda sa mère, ainsi elle osait l’avouer. Elle osait avouer qu’elle ne l’envoyait dans cet internat perdu au fin fond de la province uniquement parce qu’elle en avait assez d’être agressée par la voisine… et maintenant, en plus de cela, elle avait décidé de l’envoyer en stage avec les éducateurs et les ordures du centre ! Ce n’était pas possible ! Ils allaient encore plus le maltraiter sachant que non seulement aucune décision de justice ne le maintenait dans ce centre et que sa mère l’y laissait, mais qu’en plus pendant les vacances elle l’y renvoyait !
Tout au fond de lui Kilian avait le sentiment d’être un détenu à qui l’on aurait rendu sa liberté mais que l’on obligerait à rester en prison parce qu’il n’y aurait pas de place pour lui au sein de la société…
Il avait le droit selon la loi d’être libre, mais ses parents ne sachant que faire de lui et ne voulant plus d’ennuis à cause de lui, le renvoyaient dans sa prison en attendant mieux : un internat qui ne serait somme toute qu’une autre prison.
Et cela jusqu’à sa majorité si rien ne venait entraver le cours des choses ! C’était trop horrible à envisager.
Pourtant, il le faudrait car sa mère avait déjà entamé toutes les démarches pour l’y inscrire. Elle s’était rendue sur place avec son père, avait visité l’internat, parlé au directeur, à l’assistante sociale, à la psychologue, aux éducateurs et en était revenue ravie ! C’était exactement ce qu’il fallait à son fils ! Dans cet internat spécialisé pour les enfants à problèmes, il serait suivi par une logopède, une psychologue. Il bénéficierait d’une étude dirigée afin d’être sûr de réussir ses études. L’assistante sociale serait prête à le recevoir chaque fois qu’il le demanderait ou chaque fois qu’il aurait besoin de ses services. Le directeur avait expliqué à ses parents que les élèves seraient conduits le matin à l’école située quelques kilomètres plus loin en minibus ainsi, il leur serait impossible de sécher les cours. Ces derniers comprenaient beaucoup de travaux pratique et très peu de théorie, exactement ce qu’il fallait à Kilian qui adorait la mécanique mais ne savait pratiquement ni lire ni écrire et encore moins compter…
Kilian sentait qu’il devait se montrer enthousiaste car sa mère semblait considérer cet internat comme étant la chance de sa vie, un paradis pour jeunes garçons à problèmes !
- Tu verras, tu y seras heureux ! Tu seras bien traité, le personnel que nous avons rencontré s’est montré tout à fait charmant ! Tu ne peux pas échouer dans cet internat, cela va jusqu’à la quatrième, et tu as toutes tes chances d’obtenir ton certificat de qualification en mécanique! Tu seras pris en charge et si tu te montre assidu, bon élève et que tu te comportes bien, les éducateurs, l’assistante sociale et le psychologue établiront un bon rapport à ton sujet pour la juge ! N’oublie pas que le procès doit bientôt avoir lieu. Il faut réunir des éléments positifs en ta faveur !
Kilian ne répondit pas, mais par égard envers sa mère s’efforça d’essayer de se convaincre qu’il serait heureux dans cet internat. Certainement plus heureux que dans le centre en tout cas !
- Je n’aurais plus de mauvaises fréquentations, je ne pourrai plus sécher, un éducateur surveillera l’étude, on m’aidera à réussir ! Je serai mécanicien et j’obtiendrai mon certificat de qualification… Tenta-t-il de se persuader.
Comment faire autrement ?
Aussi, chaque fois que la question de son avenir était évoquée, répondait-il invariablement la même chose, sur un ton monocorde, comme s’il récitait une leçon. Personne ne s’en aperçut chacun étant trop content qu’il ait accepté l’internat sans faire d’histoires et qu’il ait envie de changer et de devenir meilleur !