Retour à la maison.

Enfin Kilian retrouvait sa chambre après ces longues semaines d’absence ! Et encore ce n’était pas pour toujours ainsi qu’il l’avait espéré pendant un bref instant dans le cabinet de la juge lorsque celle ci avait affirmé que le placement ne se justifiait plus, mais uniquement pour un court, trop court week-end…

Le jeune garçon avait jeté son sac de voyage contenant ses affaires sales au pied de son lit sur lequel il s’était couché pour écouter de la musique.

Les pensées se bousculaient dans sa tête. Lorsque la juge lui avait donné la permission de rentrer à la maison, il avait ressenti une sensation de bonheur intense, comme jamais encore il n’en n’avait ressenti auparavant. Ensuite, la douche froide et le retour au centre sous les quolibets des autres adolescents à qui les éducateurs, avertis de la décision de Vonnick par l’assistante sociale et la psychologue avaient annoncé que Kilian resterait parmi eux jusqu’à la fin de l’année scolaire puisque sa mère ne souhaitait pas s’encombrer de lui, avait peur d’affronter ses responsabilités et surtout se sentait incapable d’assumer l’éducation de son fils…

Et maintenant enfin le retour tant attendu à la maison après toutes ces semaines… Il pensait ressentir un bonheur infini et au contraire, voilà qu’il ne se sentait pas tellement heureux tout compte fait.

Il avait retrouvé un appartement qu’il ne reconnaissait pas : le papier peint et les meubles avaient été changés. Il avait de nouveaux meubles dans sa chambre, mais ce n’était pas tellement cela qui le troublait. Ce qui l’avait marqué dès l’instant où il était rentré c’est le fait qu’il avait eu le sentiment de n’être plus chez lui mais un simple étranger en visite. Malgré le fait que sa mère ait fait placer l’ancienne télévision et l’ancienne vidéo dans sa chambre, il avait le sentiment qu’en étant placé on l’avait rangé dans un placard, que chacun des membres de la famille s’était arrangé de cette solution et avait continué à vivre sans lui. Ils avaient recommencé ou continué une vie dans laquelle il n’avait plus sa place. Ses parents s’étaient accommodé de ce fait comme s’il avait été normal de vivre sans lui et maintenant qu’il était revenu, il ne se sentait pas accueilli comme un membre de la famille qui aurait manqué aux autres et que l’on était content de retrouver, mais plutôt comme un intrus, un cousin de passage dont on savait qu’il ne resterait pas longtemps et dont on devait tant bien que mal s’accommoder de la venue…

Les premières paroles de sa sœur lorsqu’il lui avait demandé à pouvoir jouer à l’ordinateur étant donné que cela faisait longtemps qu’il ne l’avait vu, avaient été pour lui dire qu’elle était bien plus à l’aise lorsqu’il n’était pas là et pour lui demander quand est ce qu’il repartirait…

Ensuite cela avait été sa mère qui lui avait enjoint de ne pas recommencer les disputes avec sa sœur sans quoi elle se verrait dans l’obligation de demander à la juge la permission de le laisser au centre le week end, comme auparavant… et cela ne faisait pas deux heures qu’il était rentré…

Kilian n’eut pas le temps de beaucoup s’appesantir sur ses pensées, déjà sa mère l’appelait pour le repas du soir.   « Et n’oublie pas de me descendre ton sac de linge sale ! » Cria-t-elle du bas de l’escalier.

Le jeune garçon s’empressa de descendre le sac et s’installa à table, inutile de faire attendre sa mère sans quoi elle allait à nouveau se mettre à hurler et à le menacer de le renvoyer au centre.

Le dîner avalé, il ne savait pas quoi faire. Il ne voulait pas demander la permission de sortir par peur d’indisposer sa mère, ni demander à sa sœur de lui laisser un peu l’ordinateur, quant à remonter dans sa chambre, à quoi bon ? C’était bien de la part de sa mère d’avoir placé une télé et une vidéo dans sa chambre afin de faire croire au délégué qu’il ne manquait de rien et était gâté, mais encore fallait il pouvoir regarder la télé dans ce cas ! Or il n’y avait pas de câble ni d’antenne, ce qui fait que Kilian ne pouvait capter aucun poste, quant à la vidéo, la prise Péritel était cassée si bien qu’il était impossible d’encore s’en servir…

Il faisait beau, le jeune garçon s’assit sur le pas de sa porte, il s’ennuyait ferme mais au moins personne ne pourrait lui reprocher de faire quelque chose de mal !

Hélas ce n’était pas la meilleure idée qu’il ait eue. A peine était-il assis depuis quelques minutes que Nolwenn passa accompagnée par ses deux enfants. Apercevant Kilian, elle le pointa du doigt et éclata en imprécations : « Tu es revenu ? Tu es sorti de prison espèce de sale petit pédophile ! Vicieux ! Crapule ! Ordure ! Ils auraient mieux fait de t’y laisser ! Je vais demander à la juge qu’elle t’y renvoie ! Ca ne va pas se passer comme ça ! Et qu’est ce que tu fais là assis comme un idiot ? Tu es encore en train de reluquer les petites filles dans l’espoir de t’en faire une ? Tu attendais que Meghann passe ? »

Vonnick accourut au bruit, demandant ce qui se passait, aussitôt Nolwenn s’en prit à elle, la traitant de tous les noms d’oiseaux, lui reprochant sa liaison avec son beau-père et la propension à la pédophilie de toute la famille…

Vonnick ne répondit pas et fit rentrer son fils, lui conseillant de regarder un film à la télé dans le salon.

L’audience.

Le jour de l’audience de cabinet devant le juge de la jeunesse Kilian s’était bien habillé comme le lui avait demandé le délégué. Il avait également discipliné sa coiffure et promis de faire attention à son langage.

Son avocat était présent ainsi que celui de sa mère. Ses parents étaient également déjà présents, comme la dernière fois, on n’attendait plus que lui. La juge Le Gouriec l’accueillit un peu moins froidement que la dernière fois, fit l’éloge de son comportement au centre et mit en avant le rapport positif qu’avaient établi à son égard l’assistante sociale et la psychologue du centre, ainsi que le délégué judiciaire mandaté pour sa surveillance et celle de ses frère et sœur. Visiblement, ajouta-t-elle, le premier rapport de police avait été établi à la hâte et s’est avéré être incomplet ainsi que ne pas refléter la réalité des choses. C’était donc une bonne décision que de te placer. Les divers services sociaux et judiciaires ont pu se faire une idée plus exacte de ce qu’était ta vie au sein de ta famille !

La juge félicita également Kilian et ses parents pour leur collaboration au sein de cette affaire, puis annonça au jeune garçon ainsi qu’à ses parents que le placement prenait fin aujourd’hui, que Kilian était libre et pouvait désormais rentrer chez lui reprendre une vie de famille normale et réintégrer son ancienne école qui acceptait de le reprendre comme élève. En effet, les rapports rédigés sur le jeune garçon prouvaient que le prolongement du placement ne s’avérait pas nécessaire, qu’il était apte à reprendre la vie qui avait été la sienne avant les événements, à condition toutefois qu’il promette de ne pas chercher à rencontrer ses petits voisins Meghann et Tugdual, ainsi que de ne plus faire de bêtises, à savoir sécher les cours et fréquenter la bande de la plaine ou voler dans les grands magasins au lieu d’aller à l’école! La juge espérait que le jeune garçon avait réfléchi durant ces quelques semaines et avait compris de quel côté se situait la voie à suivre…

- Sortir de ce centre ! Je vais enfin sortir de ce centre ! Songea Kilian contenant difficilement sa joie ! Je vais rentrer à la maison ! Les yeux pétillants de bonheur il regarda la juge, n’osant parler, n’osant croire à son bonheur…

Hélas, son bonheur fut de courte durée. Ce fut sa mère qui prit la parole. Un météorite s’abattant en plein sur le bureau de la magistrate n’eut pas autrement surpris le jeune garçon.

- Madame le juge ! Commença Vonnick, en hésitant, comme si elle ne savait comment exprimer les choses. Madame le juge, je vous suis très reconnaissante d’avoir réalisé que nous étions de bons parents et que nous donnions à nos enfants tout ce dont ils avaient besoin pour vivre et réussir dans la vie, et surtout qu’ils ne vivaient pas dans un logement immonde… Je connais aussi les résultats des tests psychologiques et des entretiens qu’a eu Kilian avec les assistants sociaux, judiciaires ainsi qu’avec les psychologues. Il est sur la bonne voie, j’en suis certaine, mais comme vous le savez il était très loin, il était en train de mal tourner… S’il rentrait maintenant à la maison, il serait à nouveau à la merci de ses mauvaises fréquentations, car Orlando, le chef de la petite bande n’est autre que notre voisin et qui plus est, il fréquente la même école que Kilian, ils étaient dans la même classe ! Si on remet Kilian dans cette école, il court le risque de recommencer à se faire influencer à sécher les cours ! Pour l’année prochaine, justement pour parer à ce danger nous avions discuté avec l’assistante sociale et la psychologue sur le fait de lui trouver un bon internat, un internat spécialisé dans lequel il pourrait apprendre un bon métier, où il serait suivi et où il ne serait plus à la merci de ses mauvaises fréquentations. Monsieur le délégué m’a d’ailleurs fait parvenir la documentation au sujet d’un internat en province qui semblerait lui convenir et je souhaitais votre accord pour l’y envoyer au lieu de le laisser dans ce centre… Vous venez d’expliquer que son placement ne se justifie plus, mais néanmoins je tenais à vous en parler.

- C’est une initiative qui vous honore Madame Magouero, elle prouve à quel point vous êtes attachée au bien être, aux fréquentations et à la scolarité de votre fils…

- Merci Madame la juge ! Merci beaucoup ! Minauda Vonnick, rouge de confusion.

- Mais, vous me disiez tout à l’heure que vous pensiez que votre fils serait à nouveau à la merci de ses mauvaises fréquentations s’il rentrait maintenant à la maison…

- En effet, madame la juge, Kilian est un garçon gentil, il a un bon fond, mais il est fragile et influençable. Il n’a que des mauvaises fréquentations dans le quartier, et s’il rentrait je suis certaine qu’il se laisserait à nouveau influencer, et nous ne pouvons tout de même pas rester derrière lui toute la journée ou à l’école ! Vous savez, tous les matins mon mari allait le conduire à l’école et dès qu’il était parti Kilian s’enfuyait d’un autre côté !

- Que préconisez-vous alors Madame Magouero ? S’enquit la juge.

- Et bien, je me demandais s’il n’aurait pas été possible de faire en sorte que Kilian termine son année scolaire dans le centre de Coat Saliou où il est actuellement, avec la permission de revenir le week end, comme s’il était à l’internat, afin d’être sûr qu’il termine réellement son année scolaire. Ainsi l’année prochaine, il ira à l’internat et ne courra plus jamais le risque d’être incité à sécher les cours ou à voler dans les grandes surfaces. Car j’ai peur que la tentation ne soit trop forte…

- Je pense qu’il doit être possible d’accéder à votre demande Madame Magouero. Effectivement si vous me dites que ses amis et voisins proches sont sujets à caution et pourraient l’entraîner sur la mauvaise pente, que vous préconisez un internat spécialisé pour l’année scolaire prochaine, mais que cette année ci risquerait d’être réduite à néant car il est vrai que lui trouver un autre établissement à cette époque de l’année ou un internat qui l’accepterait relève de l’exploit, il vaudrait peut être mieux pour son propre bien le laisser placé dans le centre d’éducation surveillée jusqu’à la fin de cette année scolaire. Mais bien entendu, il va de soi qu’il aura le droit de rentrer chez lui à la maison lors des week ends, des congés scolaires et des jours fériés car cette fois ci il ne s’agirait plus d’un placement au sens propre du terme…

Kilian était atterré par la nouvelle. Son sourire disparu de son visage. Les larmes n’étaient pas loin. Non, ce n’était pas possible ! Sa mère ne pouvait pas lui avoir fait un coup pareil ! Elle ne pouvait pas avoir demandé à la juge de le laisser enfermé dans cette horrible prison avec tous ces monstres et ces menteurs qui la peuplaient alors que la juge venait de lui donner la permission de rentrer chez lui… Non ! Ce n’était pas possible ! Non ! Non ! Non !!!

Le jeune garçon avait envie de hurler sa détresse à la face du monde ! Il allait se réveiller, ce n’était pas possible… Ce n’était qu’un mauvais rêve ! Il avait accepté l’internat lorsque sa mère lui en avait parlé, car il voulait à tout prix sortir de ce centre, il aurait donc accepté n’importe quoi, mais cet internat ce n’était que pour l’année prochaine. Et puis, il pensait et sa mère aussi, qu’il devrait rester placé jusqu’à sa majorité ! Mais maintenant la juge venait de lui donner la permission de rentrer chez lui, de reprendre sa vie d’avant, et au lieu d’être contente de pouvoir récupérer son fils, sa mère ne trouvait rien de mieux à faire que de lui demander de le laisser enfermé dans cet enfer…

La juge regarda le jeune garçon sans voix devant elle, et lui expliqua que c’était la voix de la sagesse qui parlait par la bouche de sa mère, que cette dernière avait à cœur son bonheur future et sa réussite scolaire, qu’il avait beaucoup de chance d’avoir une mère qui pousse à ce point l’abnégation jusqu’au sacrifice suprême de se priver de son propre enfant, sachant qu’à la maison il serait à la merci de mauvaises fréquentations…

- Plus tard tu remercieras ta mère Kilian ! Quant à moi je la citerai en exemple ! Tu peux être fier d’elle ! Bien, si personne n’a rien à rajouter, la séance est levée…

Kilian regarda la juge d’un air désespéré, puis sa mère et le délégué, espérant Dieu sait quel miracle, mais rien ne vint, sa mère vint l’embrasser rapidement en lui expliquant que son père et elle, viendraient le chercher vendredi soir ou samedi matin afin qu’il vienne passer le week end à la maison, puis serra en vitesse la main de la juge, et celles des autres personnes présentes, avant de s’éclipser comme un courant d’air.

Retouche photo

La lecture

Avignon

Les courses de chevaux à l'hippodrome derrière chez moi

Les courses de chevaux à l'hippodrome derrière chez moi

Marché de L'Isle sur la Sorgue

Le marché de Carpentras

Le marché de Carpentras